• Quand on rentre, le soir, par la cité déserte,
    Regardant sur la boue humide, grasse et verte,
    Les longs sillons du gaz tous les jours moins nombreux,
    Souvent un chien perdu, tout crotté, morne, affreux,
    Un vrai chien de faubourg, que son trop pauvre maître
    Chassa d’un coup de pied en le pleurant peut-être,
    Attache à vos talons obstinément son nez
    Et...

  •  

    Souvent, libertin lassé de mon rôle,
    J’ai feint un amour à peine éprouvé.
    Mais tu m’as guéri, mais je suis sauvé,
    Depuis que je dors sur ta jeune épaule.

    C’est un sentiment si frais et si pur,
    C’est comme une fleur dans mon âme éclose,
    Lorsque tendrement ma tête repose
    Sur ton humble cœur dont je suis bien sûr.

    Je vieillis, j’ai fait...

  •  

    DEPUIS plus de quinze ans, le nommé Marc Lefort
    Est mécanicien sur la ligne du Nord.
    Naguère bon sujet, adroit, exact, honnête,
    Il fut toujours noté pourtant « mauvaise tête » ;
    Car il se nourrissait d’un journal rouge-sang,
    Qu’il supposait de très bonne foi, l’innocent !
    Mais, l’an dernier, voilà ― c’est l’éternelle histoire ―
    ...

  •  

    Ainsi qu’un malheureux, le corps frileux et gourd,
    Tâche de se chauffer en soufflant sur des braises,
    L’amer couchant d’octobre, au lointain du faubourg,
    A fait flamboyer ses fournaises.

    Dans les squelettes noirs des arbres nus et droits,
    Le vent du soir, tout bas, parle d’une voix rauque ;
    Un archipel d’îlots couleur de feu, mais froids,
    ...

  • À Jules Christophe.

    L’homme, en manches de veste et, sous son chapeau noir,
    A cause du soleil, ayant mis son mouchoir,
    Tire gaillardement la petite voiture,
    Pour faire prendre l’air à sa progéniture,
    Deux bébés, l’un qui dort, l’autre suçant son doigt.
    La femme suit et pousse, ainsi qu’elle le doit,

    Très-lasse, et...

  • À Jules Bonnassies.

    Les deux petites sont en deuil ;
    Et la plus grande, – c’est la mère, –
    A conduit l’autre jusqu’au seuil
    Qui mène à l’école primaire.

    Elle inspecte, dans le panier,
    Les tartines de confiture
    Et jette un coup d’œil au dernier
    Devoir du cahier d’écriture.

    Puis comme c’est un matin...

  •  
    Le train stoppa ; c’était la station de Sèvres.

    Assis dans mon wagon, la cigarette aux lèvres,
    En jetant un regard dehors, je remarquai,
    Près de la porte en bois ouverte sur le quai,
    Un groupe de trois sœurs vraiment presque pareilles :
    Mêmes cheveux au vent derrière les oreilles,
    Mêmes chapeaux à fleurs, mêmes robes d’été,
    Même air de bonne...

  •  
    Dans le faubourg planté d’arbustes rabougris,
    Où le pâle chardon pousse au bord des murs gris,
    Sur le trottoir pavé que limitent des bornes,
    Lentement, en grand deuil tous deux, tristes et mornes,
    Et vers le couchant d’or d’un juillet étouffant,
    Vont ensemble une mère et son petit enfant.
    La mère est jeune encore, elle est pauvre, elle est veuve....

  •  

    Oui ! j’ai changé souvent de maîtresse et d’amours,
    Mais, chaque fois, j’ai cru que c’était pour toujours ;
    Et, jusqu’à l’âge mûr, j’ai connu la misère
    De me duper moi-même, en me croyant sincère.
    Ah ! dans cette heure exquise où le désir naissant
    Et les parfums d’avril troublent l’adolescent,
    Heureux, heureux celui qui résout le problème
    De n...

  • À Henry Cazalis.

    L’immense ennui, ce fils bâtard de la douleur,
    En maître est installé dans mon âme et l’habite,
    Et moins que la vieillesse affreuse et décrépite,
    Cette âme de trente ans a gardé de chaleur.

    J’en atteste ces yeux éteints, cette pâleur
    Et ce cœur sans amour où plus rien ne palpite ;
    Je vois mon...