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    J’ai puérilisé mon cœur dans l’innocence
    De notre amour, éveil de calice enchanté.
    Dans les jardins où se parfume le silence,
    Où le rire fêlé retrouve l’innocence,
    Ma Douce ! je t’adore avec simplicité.

    Tes doigts se sont noués autour de mon cœur rude.
    Et un balbutiement pareil au cri naïf
    De l’inexpérience et de la gratitude,
    Je te...

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    Une odeur fraîche, un bruit de musique étouffée
    Sous les feuilles, et c’est Viviane la fée.

    Elle imite, cachée en un fouillis de fleurs,
    Le rire suraigu des oiseaux persifleurs.

    Souveraine fantasque, elle s’attarde et rôde
    Dans la forêt, comme en un palais d’émeraude.

    L’eau qui miroite a la couleur de son regard.
    Elle se voile des dentelles...

  • Arrivant au logis pour un petit quart d’heure
    Que le passant y doit seulement sejourner,
    Il ne s’adonne point à rompre et retourner,
    Demolir ou bastir le lieu de sa demeure;

    Estranger vagabond sur la terre peu seure,
    Ne travailles point tant à briguer et vener
    Ces honneurs que tu dois bien tost abandonner,
    Que vivre en tel estat qu’heureusement tu...

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    Si j’avais dans ma vie une heure, une seule heure,
    Où ce cœur, gémissant d’un souffle qui l’effleure.
    Eût joui d’un plaisir — si fugace fût-il,
    Pour ce furtif instant, pour cette brève joie,
    Je reprendrais, moins triste et plus vaillant, ma voie,
    Et, puisant de l’espoir en ce bon souvenir,
    Je dirais à mon cœur : « Sois fort, tout va finir ! »
    ...

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    L’invariable buis et le cyprès constant
    Bordent l’allée égale et le parterre où songe
    Dans le bassin carré l’eau qui reflète et ronge
    Un Triton fatigué de sa conque qu’il tend ;

    En sa gaîne de pierre aussi l’hermès attend
    Que tourne autour de lui son socle qui s’allonge ;
    Un Pégase cabré, le pied pris dans sa longe,
    Lève un sabot de bronze et...

  • La Tristesse enfin devient bonne
    Quand l’ombre efface le passant
    Qui, sans vouloir être blessant,
    D’un regard crochu vous harponne.

    Dans le mystère de ces chants
    Et de ces murmures des champs,
    Dans ce silence qui marmonne,
    La Tristesse enfin devient bonne.

    Puis, de ses ors, de ses argents,
    Le soir pompeux vous environne,
    Par degrés...

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             LES tics-tacs hâtifs des pendules
             Se répondent dans la maison
    Tranquille, où par la vitre entre le crépuscule,
             Naissant, là-bas, à l’horizon.

             Le silence s’aggrave d’ombre,
             L’intimité s’approfondit
    De tout le charme triste et doux que la pénombre
             Avec mystère répandit.

             ...

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    Le soleil a clos sa paupière
    À l’horizon tout frangé d’or.
    Déjà l’ombre crépusculaire
    Estompe le lac qui s’endort.

    Pas un lambeau de vent ne rase
    Le tapis transparent des eaux,
    Le flot indolent tout bas jase
    Avec le sable et les roseaux.

    Pas un cri ne rompt le silence
    Qui plane sur l’immensité.
    La tiède nuit de mai s’avance...

  • S’IL est une heure douce entre toutes les heures,
    Une heure où rien d’amer en vous ne soit resté,
    Où les choses qu’on aime apparaissent meilleures,
    Où l’on arrive à Dieu par la félicité ;

    C’est quand la bien-aimée, entre vos bras étreinte,
    Ne voulant rien encor, mais près de tout vouloir,
    Répondant au désir par une douce plainte,
    Pensive, en s’en...

  • Oh ! la tristesse langoureuse
    Du ciel vespéral de Paris,
    Tendu de pâle satin gris
    Ainsi qu’un boudoir d’amoureuse !

    De lumineux brouillards flottants
    Estompent l’angle des toitures,
    Nul pli ne ride les tentures
    Que suspend le...