• Je viens de revoir le pays,
    Le beau domaine imaginaire
    Où des horizons éblouis
    Me venaient des parfums exquis.
    Ces parfums et cette lumière
    Je ne les ai pas retrouvés.
    Au château s'émiette la pierre.
    L'herbe pousse entre les pavés.

    La galerie où les amis
    Venaient faire joyeuse chère
    Abrite en ses lambris moisis
    Cloportes et...

  • Oh ! me coucher tranquillement
    Pendant des heures infinies !
    Et j'étais pourtant ton amant
    Lors des abandons que tu nies.

    Tu mens trop ! Toute femme ment.
    Jouer avec les ironies,
    Avec l'oubli froid, c'est charmant.
    Moi, je baise tes mains bénies.

    Je me tais. Je vais dans la nuit
    Du cimetière calme où luit
    La lune sur la terre brune...

  • Voici le matin bleu. Ma rose et blonde amie
    Lasse d'amour, sous mes baisers, s'est endormie.
    Voici le matin bleu qui vient sur l'oreiller
    Éteindre les lueurs oranges du foyer.

    L'insoucieuse dort. La fatigue a fait taire
    Le babil de cristal, les soupirs de panthère.
    Les voraces baisers et les rires perlés.
    Et l'or capricieux des cheveux déroulés...

  • Comme bercée en un hamac
    La pensée oscille et tournoie,
    A cette heure où tout estomac
    Dans un flot d'absinthe se noie.

    Et l'absinthe pénètre l'air,
    Car cette heure est toute émeraude.
    L'appétit aiguise le flair
    De plus d'un nez rose qui rôde.

    Promenant le regard savant
    De ses grands yeux d'aigues-marines,
    Circé cherche d'où vient le...

  • Il y a une heure bête
    Où il faut dormir.
    Il y a aussi la fête
    Où il faut jouir.

    Mais quand tu penches la tête
    Avec un soupir
    Sur mon coeur, mon coeur s'arrête
    Et je vais mourir...

    Non ! ravi de tes mensonges,
    O fille des loups,
    Je m'endors noyé de songes

    Entre tes genoux.
    Après mon coeur que tu ronges
    Que...

  • Un temple ambré, le ciel bleu, des cariatides.
    Des bois mystérieux; un peu plus loin, la mer...
    Une cariatide eut un regard amer
    Et dit : C'est ennuyeux de vivre en ces temps vides.

    La seconde tourna ses grands yeux froids, avides,
    Vers Lui, le bien-aimé, l'homme vivant et fier
    Qui, venu de Paris, peignait d'un pinceau clair
    Ces pierres, et ce ciel, et...

  • Sonnet

    J'écris ici ces vers pour que, le soir, songeant
    A tous les rêves bleus que font les demoiselles,
    Vous laissiez sur vos yeux, placides lacs d'argent,
    Tournoyer ma pensée et s'y mouiller les ailes.

    Peut-être, près de vous assis, se rengorgeant,
    Quelque beau cavalier vous dit des choses telles,
    Qu'à votre indifférence une fois dérogeant...

  • A Henry Cros.

    Au bord du chemin, contre un églantier,
    Suivant du regard le beau cavalier
    Qui vient de partir, Elle se repose,
    Fille de seize ans, rose, en robe rose.

    Et l'Autre est debout, fringante. En ses yeux
    Brillent les éclairs d'un rêve orgueilleux...
    Diane mondaine à la fière allure,
    Corps souple, front blanc, noire chevelure....

  • Où trouver la côte et la mer
    Groënland, Afrique, Islande, Espagne,
    Où je pourrais m'en aller fier,
    Moi qui n'ai pas trouvé mon pair ?
    J'ai la misère pour compagne
    Et dans l'appartement désert
    On n'entend pas un souffle d'air.
    Les souris sont à la campagne.

    Mais par ce temps de pain très cher
    Où l'on perd le beurre qu'on gagne,
    Malgré qu'...

  • Nul ne l'a vue et, dans mon coeur,
    Je garde sa beauté suprême ;
    (Arrière tout rire moqueur !)
    Et morte, je l'aime, je l'aime.

    J'ai consulté tous les devins,
    Ils m'ont tous dit : " C'est la plus belle ! "
    Et depuis j'ai bu tous les vins
    Contre la mémoire rebelle.

    Oh ! ses cheveux livrés au vent !
    Ses yeux, crépuscule d'automne !...