• De leur grâce, que font-ils,
    tous ces dieux hors d'usage,
    qu'un passé rustique engage
    à être sages et puérils ?

    Comme voilés par le bruit
    des insectes qui butinent,
    ils arrondissent les fruits ;
    (occupation divine).

    Car aucun jamais ne s'efface,
    tant soit-il abandonné ;
    ceux qui parfois nous menacent
    sont des dieux...

  • Heureux verger, tout tendu à parfaire
    de tous ses fruits les innombrables plans,
    et qui sait bien son instinct séculaire
    plier à la jeunesse d'un instant.

    Quel beau travail, quel ordre que le tien !
    Qui tant insiste dans les branches torses,
    mais qui enfin, enchanté de leur force,
    déborde dans un calme aérien.

    Tes dangers et les miens,...

  • Je ne veux qu'une seule leçon, c'est la tienne,
    fontaine, qui en toi-même retombes, -
    celle des eaux risquées auxquelles incombe
    ce céleste retour vers la vie terrienne.

    Autant que ton multiple murmure
    rien ne saurait me servir d'exemple ;
    toi, ô colonne légère du temple
    qui se détruit par sa propre nature.

    Dans ta chute, combien se...

  • Ô toi, centre du jeu
    où l'on perd quand on gagne ;
    célèbre comme Charlemagne,
    roi, empereur et Dieu, -

    tu es aussi le mendiant
    en pitoyable posture,
    et c'est ta multiple figure
    qui te rend puissant. -

    Tout ceci serait pour le mieux ;
    mais tu es, en nous (c'est pire)
    comme le noir milieu
    d'un châle brodé de cachemire.

  • Il suffit que, sur un balcon
    ou dans l'encadrement d'une fenêtre,
    une femme hésite ..., pour être
    celle que nous perdons
    en l'ayant vue apparaître.

    Et si elle lève les bras
    pour nouer ses cheveux, tendre vase :
    combien notre perte par là
    gagne soudain d'emphase
    et notre malheur d'éclat !

  • Doux pâtre qui survit
    tendrement à son rôle
    avec sur son épaule
    un débris de brebis.
    Doux pâtre qui survit
    en ivoire jaunâtre
    à son jeu de pâtre.
    Ton troupeau aboli
    autant que toi dure
    dans la lente mélancolie
    de ton assistante figure
    qui résume dans l'infini
    la trêve d'actives pâtures.

  • J'ai une telle conscience de ton
    être, rose complète,
    que mon consentement te confond
    avec mon coeur en fête.

    Je te respire comme si tu étais,
    rose, toute la vie,
    et je me sens l'ami parfait
    d'une telle amie.

  • Comment encore reconnaître
    ce que fut la douce vie ?
    En contemplant peut-être
    dans ma paume l'imagerie

    de ces lignes et de ces rides
    que l'on entretient
    en fermant sur le vide
    cette main de rien.

  • Tu me proposes, fenêtre étrange, d'attendre ;
    déjà presque bouge ton rideau beige.
    Devrais-je, ô fenêtre, à ton invite me rendre ?
    Ou me défendre, fenêtre ? Qui attendrais-je ?

    Ne suis-je intact, avec cette vie qui écoute,
    avec ce coeur tout plein que la perte complète ?
    Avec cette route qui passe devant, et le doute
    que tu puisses donner ce trop...

  • Vois-tu venir sur le chemin la lente, l'heureuse,
    celle que l'on envie, la promeneuse ?
    Au tournant de la route il faudrait qu'elle soit
    saluée par de beaux messieurs d'autrefois.

    Sous son ombrelle, avec une grâce passive,
    elle exploite la tendre alternative :
    s'effaçant un instant à la trop brusque lumière,
    elle ramène l'ombre dont elle s'éclaire.