• Le soleil disparaît dans son rouge brasier,
    Et le fleuve qui dort sous l’arche des nuages,
    Semble un champ noir coupé par des reflets d’acier.
    Vénus rit dans un fond sinistre de feuillages.

    Les bruits, les pas, les voix s’éteignent. C’est la nuit.
    Le crépuscule blanc pâlit sur l’eau moirée,
    Et l’ombre couvre tout de sa grande marée ;
    Comme un vaisseau...

  • Un groupe de serpents, sur l’herbe printanière,
    Se livre avec furie aux amoureux ébats ;
    Quelques traînards, sifflant d’une horrible manière,
    Accourent et, tordus d’un replis de lanière,
    Sous la foule grouillante enfoncent leurs fronts plats.

    Ce ne sont que zigzags dans une masse noire,
    Étreintes, coups de fouet, brusques convulsions,
    C’est un chaos d...

  • Allongeant dans l’air vide un regard hébété,
    Les pingouins sont groupés aux pointes des presqu’îles,
    Et la mer saute autour de ces spectres tranquilles,
    Immobiles témoins de sa mobilité.

    On ne les verra pas s’élancer dans l’orage,
    Car leurs pauvres moignons ne peuvent voltiger,
    Le ciel les déshérite, et, s’ils veulent nager,
    L’Océan dédaigneux les...

  • Je ne pensais à rien, pas même à mon remords.
    Allongé dans mon lit, je savourais l’absence
    Des rêves que le jour contre mon impuissance
    Lâche, comme un cheval à qui l’on ôte un mors.

    Ils laissaient reposer, enfin ! ma plaie intime,
    Car le soleil, au fond des couchants violets,
    Avait en s’en allant tiré dans ses filets
    Tous ces vampires las de sucer...

  • La seule chose que j’envie,
    C’est de sentir autour de moi
    Frémir l’insulte de la vie
    Pour en tirer un peu d’émoi.

    Salut donc, printemps dont le livre
    M’offre un martyrologe sûr,
    Salut, cher bourreau qui me livre
    Au vaste dédain de l’azur.

    Partout, en poses langoureuses,
    M’environne l’injure en fleur,
    Les petites feuilles heureuses...

  • Accoudé quelquefois derrière ma persienne,
    Que le soleil discret visite obliquement,
    Je regarde passer une parisienne
    Qui s’éloigne d’un leste et gai sautillement.

    Avec son air mutin, son bonnet de dentelle
    Posé sur ses cheveux comme un blanc papillon,
    Sa robe à chaque pas soulevée autour d’elle,
    Elle fuit, elle fuit, gracieux tourbillon,

    Et...

  • Une fois j’aperçus, au fond d’un pêle-mêle
    De ronces, de cailloux & de buissons obscurs,
    Une rose pendue au bout d’un rameau frêle,
    Qui se mourait, fanée, à l’angle de deux murs.

    Elle avait fleuri là sans fraîcheur & sans gloire :
    Un peu de rouge à peine égayait sa pâleur,
    Et sa forme indécise, à travers l’ombre noire,
    Reluisait vaguement...