• Ton esprit est, Ronsard, plus gaillard que le mien ;
    Mais mon corps est plus jeune et plus fort que le tien ;
    Par ainsi je conclus qu'en savoir tu me passe
    D'autant que mon printemps tes cheveux gris efface.
    L'art de faire des vers, dût-on s'en indigner,
    Doit être à plus haut prix que celui de régner.
    Tous deux également nous portons des couronnes
    Mais...

  • Un jour de mai , que l'aube retournée
    Rafraischissoit la claire matinée,
    Afin d'un peu récrier mes esprits,
    Au grand verger, tout le long du pourpris,
    Me promenois par l'herbe fraische et drue,
    Là, où je vis la rosée épandue,
    Et sur les choux ses rondelettes gantes
    Courir, couler, pour s'entrebaiser toutes :
    Le rossignol, ainsi qu'une buccine,
    Par...

  • Rien n'est plus différent que le somme et la mort,
    Combien qu'ils soient issus de même parentage ;
    L'un profite beaucoup, l'autre fait grand dommage,
    De l'un on veut l'effet, de l'autre on craint l'effort.

    Une morte froideur qui descend du cerveau
    Nous cause le sommeil, une fièvre brûlante,
    Qui éteint les esprits par son ardeur nuisante,
    Nous...

  • Ouvrez-moi, Sincero, de vos pensers la porte.
    Je désire de voir si l'amour de son trait
    Vous engrave aussi bien dans le coeur mon portrait
    Comme votre beau vers à mes yeux le rapporte.

    Je ne veux pas pourtant que hors de vous il sorte,
    Ni que par la faveur d'un gracieux attrait
    Votre coeur soit jamais d'avec le mien distrait
    Pour brûler d'une...

  • Bouche dont la douceur m'enchante doucement
    Par la douce faveur d'un honnête sourire,
    Bouche qui soupirant un amoureux martyre
    Apaisez la douleur de mon cruel tourment !

    Bouche, de tous mes maux le seul allégement,
    Bouche qui respirez un gracieux zéphyr(e) :
    Qui les plus éloquents surpassez à bien dire
    A l'heure qu'il vous plaît de parler doctement ;...

  • Ballade

    Quand j'ois parler d'un prince et de sa cour,
    Et qu'on me dit : Fréquentez-y, beau sire,
    Lors je réponds : Mon argent est trop court,
    J'y dépendrais, sans cause, miel et cire :
    Et qui de cour la hantise désire,
    Il n'est qu'un fol, et fût-ce Parceval ;
    Car on se voit souvent, dont j'ai grand ire,
    Très bien monté, puis soudain sans...

  • Rondeau

    Quand il lui plaît, Fortune fait avoir
    Gloire et honneur, richesses et avoir,
    Et quelques-uns met au haut de sa roue,
    Lesquels soudain fait descendre en la boue,
    Tant qu'ils en sont pitoyables à voir.

    De patience il se convient pourvoir,
    Quand résister on veut à son pouvoir ;
    Car elle rit, puis soudain fait la mine,
    Quand...

  • Ballade

    Quand justiciers par équité
    Sans faveur procès jugeront,
    Quand en pure réalité
    Les avocats conseilleront,
    Quand procureurs ne mentiront,
    Et chacun sa foi tiendra,
    Quand pauvres gens ne plaideront,
    Alors le bon temps reviendra.

    Quand prêtres sans iniquité
    En l'Église Dieu serviront,
    Quand en spiritualité,
    ...

  • Le ris de ma Maistresse est un Printemps de roses,
    De boutons, et d'oeillets, et sa chaste beauté
    Représente à mes yeux la chaleur d'un Esté,
    Alors que sur les champs sont les grappes descloses.

    Elle tiendroit en soy toutes douceurs encloses,
    Si un Automne, hélas ! qui est sa chasteté,
    Et un Yver fascheux, qui est sa cruauté,
    Ne faisoyent dans mon...

  • L'esprit divin, dont l'immortelle essence
    Premierement vint de la main des dieux,
    Se voyant prest de s'envoler aux Cieux
    Pour à jamais y faire demeurance,

    Avant sortir, comme ayant jouissance
    De ce qu'il a desiré pour son mieux,
    Predit souvent le malheur envieux
    Et nous en donne une ferme asseurance.

    Ainsy jadis l'amoureuse Didon
    ...