• Mon livre (et je ne suis sur ton aise envieux),
    Tu t'en iras sans moi voir la Cour de mon Prince.
    Hé, chétif que je suis, combien en gré je prinsse
    Qu'un heur pareil au tien fût permis à mes yeux ?

    Là si quelqu'un vers toi se montre gracieux,
    Souhaite-lui qu'il vive heureux en sa province :
    Mais si quelque malin obliquement te pince,
    Souhaite-lui tes...

  • Si celui qui s'apprête à faire un long voyage
    Doit croire celui-là qui a jà voyagé,
    Et qui des flots marins longuement outragé,
    Tout moite et dégouttant s'est sauvé du naufrage,

    Tu me croiras, Ronsard, bien que tu sois plus sage,
    Et quelque peu encor (ce crois-je) plus âgé,
    Puisque j'ai devant toi en cette mer nagé,
    Et que déjà ma nef découvre le rivage...

  • Las où est maintenant ce mespris de Fortune
    Où est ce coeur vainqueur de toute adversité,
    Cest honneste desir de l'immortalité,
    Et ceste honneste flamme au peuple non commune ?

    Où sont ces doulx plaisir, qu'au soir soubs la nuict brun
    Les Muses me donnoient, alors qu'en liberté
    Dessus le verd tapy d'un rivage esquarté
    Je les menois danser aux rayons de...

  • La Parque si terrible
    A tous les animaux,
    Plus ne me semble horrible,
    Car le moindre des maux,
    Qui m'ont fait si dolent,
    Est bien plus violent.
    Comme d'une fontaine
    Mes yeux sont dégouttants,
    Ma face est d'eau si pleine
    Que bientôt je m'attends
    Mon coeur tant soucieux
    Distiller par les yeux.
    De mortelles ténèbres
    Lis...

  • Dans l'enfer de son corps mon esprit attaché
    (Et cet enfer, Madame, a été mon absence)
    Quatre ans et davantage a fait la pénitence
    De tous les vieux forfaits dont il fut entaché.

    Ores, grâces aux dieux, ore' il est relâché
    De ce pénible enfer, et par votre présence
    Réduit au premier point de sa divine essence,
    A déchargé son dos du fardeau de péché...

  • Autant comme l'on peut en un autre langage
    Une langue exprimer, autant que la nature
    Par l'art se peut montrer, et que par la peinture
    On peut tirer au vif un naturel visage :

    Autant exprimes-tu, et encor davantage,
    Avecques le pinceau de ta docte écriture,
    La grâce, la façon, le port et la stature
    De celui qui d'Énée a décrit le voyage.
    ...

  • Le grand flambeau gouverneur de l'année,
    Par la vertu de l'enflammée corne
    Du blanc thaureau, prez, montz, rivaiges orne
    De mainte fleur du sang des princes née.

    Puis de son char la rouë estant tournée
    Vers le cartier prochain du Capricorne,
    Froid est le vent, la saison nue et morne,
    Et toute fleur devient seiche et fanée.

    Ainsi, alors...

  • Ny par les bois les Driades courantes,
    Ny par les champs les fiers scadrons armez,
    Ny par les flotz les grands vaisseaux ramez,
    Ny sur les fleurs les abeilles errantes,

    Ny des forestz les tresses verdoyantes,
    Nv des oiseaux les corps bien emplumez,
    Ny de la nuit les flambeaux allumez,
    Ny des rochers des traces ondoyantes,

    Ny les...

  • Celle qui de son chef les étoiles passait,
    Et d'un pied sur Thétis, l'autre dessous l'Aurore,
    D'une main sur le Scythe, et l'autre sur le More,
    De la terre et du ciel la rondeur compassait :

    Jupiter ayant peur, si plus elle croissait,
    Que l'orgueil des Géants se relevât encore,
    L'accabla sous ces monts, ces sept monts qui sont ore
    Tombeaux de la...

  • Veux-tu savoir, Duthier, quelle chose c'est Rome ?
    Rome est de tout le monde un publique échafaud,
    Une scène, un théâtre, auquel rien ne défaut
    De ce qui peut tomber ès actions de l'homme.

    Ici se voit le jeu de la fortune, et comme
    Sa main nous fait tourner ores bas, ores haut
    Ici chacun se montre, et ne peut, tant soit caut*,
    Faire que tel qu'il...