• Ronsard si tu as su par tout le monde épandre
    L'amitié, la douceur, les grâces, la fierté,
    Les faveurs, les ennuis, l'aise et la cruauté,
    Et les chastes amours de toi et ta Cassandre,

    Je ne veux à l'envi pour sa nièce, entreprendre
    D'en rechanter autant comme tu as chanté,
    Mais je veux comparer à beauté la beauté,
    Et mes feux à tes feux, et ma cendre...

  • Quand du sort inhumain les tenailles flambantes
    Du milieu de mon corps tirent cruellement
    Mon coeur qui bat encor' et pousse obstinément,
    Abandonnant le corps, ses plaintes impuissantes,

    Que je sens de douleurs, de peines violentes !
    Mon corps demeure sec, abattu de tourment
    Et le coeur qu'on m'arrache est de mon sentiment,
    Ces parts meurent en moi...

  • Oui, mais ainsi qu'on voit en la guerre civile
    Les débats des plus grands, du faible et du vainqueur
    De leur douteux combat laisser tout le malheur
    Au corps mort du pays, aux cendres d'une ville,

    Je suis le champ sanglant où la fureur hostile
    Vomit le meurtre rouge, et la scythique horreur
    Qui saccage le sang, richesse de mon coeur,
    Et en se...

  • Quiconque sur les os des tombeaux effroyables
    Verra le triste amant, les restes misérables
    D'un coeur séché d'amour, et l'immobile corps
    Qui par son âme morte est mis entre les morts,

    Qu'il déplore le sort d'une âme à soi contraire,
    Qui pour un autre corps à son corps adversaire
    Me laisse examiné sans vie et sans mourir,
    Me fait aux noirs tombeaux après...

  • ... Voici la mort du ciel en l'effort douloureux
    Qui lui noircit la bouche et fait saigner les yeux.
    Le Ciel gémit d'ahan ; tous ses nerfs se retirent ;
    Ses poumons près à près sans relâche respirent.
    Le Soleil vêt de noir le bel or de ses feux ;
    Le bel oeil de ce monde est privé de ses yeux.
    L'âme de tant de fleurs n'est plus épanouie ;
    Il n'y a plus...

  • Arrière de moi vains mensonges,
    Veillants et agréables songes,
    Laissez-moi, que je dorme en paix :
    Car bien que vous soyez frivoles,
    C'est de vous qu'on vient aux paroles,
    Et des paroles aux effets.

    Voyez au jardin les pensées
    De trois violets nuancées,
    Du fond rayonne un beau soleil :
    Voilà bien des miennes l'image,
    Sans odeur,...

  • Soupirs épars, sanglots en l'air perdus,
    Témoins piteux des douleurs de ma gêne,
    Regrets tranchants avortés de ma peine,
    Et vous, mes yeux, en mes larmes fondus,

    Désirs tremblants, mes pensers éperdus,
    Plaisirs trompés d'une espérance vaine,
    Tous les tressauts qu'à ma mort inhumaine
    Mes sens lassés à la fin ont rendus,

    Cieux qui sonnez après...

  • Bien que la guerre soit âpre, fière et cruelle
    Et qu'un douteux combat dérobe la douceur,
    Que de deux camps mêlés l'une et l'autre fureur
    Perde son espérance, et puis la renouvelle,

    Enfin, lors que le champ par les plombs d'une grêle
    Fume d'âmes en haut, ensanglanté d'horreur,
    Le soldat déconfit s'humilie au vainqueur,
    Forçant à jointes mains une...

  • ... Tout cela qui sent l'homme à mourir me convie,
    En ce qui est hideux je cherche mon confort :
    Fuyez de moi, plaisirs, heurs, espérance et vie,
    Venez, maux et malheurs et désespoir et mort !

    Je cherche les déserts, les roches égarées,
    Les forêts sans chemin, les chênes périssants,
    Mais je hais les forêts de leurs feuilles parées,
    Les séjours...

  • Accourez au secours de ma mort violente,
    Amants, nochers experts en la peine où je suis,
    Vous qui avez suivi la route que je suis
    Et d'amour éprouvé les flots et la tourmente.

    Le pilote qui voit une nef périssante,
    En l'amoureuse mer remarquant les ennuis
    Qu'autrefois il risqua, tremble et lui est avis
    Que d'une telle fin il ne perd que l'attente...