• Ce jour de Mai qui a la tête peinte,
    D'une gaillarde et gentille verdeur,
    Ne doit passer sans que ma vive ardeur
    Par votre grâce un peu ne soit éteinte.

    De votre part, si vous êtes atteinte
    Autant que moi d'amoureuse langueur,
    D'un feu pareil soulageons notre coeur,
    Qui aime bien ne doit point avoir crainte.

    Le Temps s'enfuit, cependant ce...

  • Plus mille fois que nul or terrien,
    J'aime ce front où mon tyran se joue
    Et le vermeil de cette belle joue,
    Qui fait honteux le pourpre Tyrien.

    Toutes beautés à mes yeux ne sont rien,
    Au prix du sein qui lentement secoue
    Son gorgerin, sous qui doucement noue
    Un petit flot que Vénus dirait sien.

    Ne plus, ne moins, que Jupiter est aise,
    ...

  • Pourtant, si j'ai le chef plus blanc
    Que n'est d'un lis la fleur éclose,
    Et toi le visage plus franc
    Que n'est le bouton d'une rose

    Pour cela, cruelle, il ne faut
    Fuir ainsi ma tête blanche ;
    Si j'ai la tête blanche en haut,
    J'ai en bas la queue bien franche.

    Ne sais-tu pas, toi qui me fuis,
    Que pour bien faire une couronne,
    Ou...

  • Si seulement l'image de la chose
    Fait à noz yeux la chose concevoir,
    Et si mon oeil n'a puissance de voir,
    Si quelqu'idole au devant ne s'oppose :

    Que ne m'a fait celuy qui tout compose,
    Les yeux plus grands, afin de mieux pouvoir
    En leur grandeur, la grandeur recevoir
    Du simulachre où ma vie est enclose ?

    Certes le ciel trop ingrat de son...

  • Marie, baisez-moi ; non, ne me baisez pas,
    Mais tirez-moi le coeur de votre douce haleine ;
    Non, ne le tirez pas, mais hors de chaque veine
    Sucez-moi toute l'âme éparse entre vos bras ;

    Non, ne la sucez pas ; car après le trépas
    Que serais-je sinon une semblance vaine,
    Sans corps, dessus la rive, où l'amour ne démène
    (Pardonne-moi, Pluton) qu'en feintes...

  • Ha ! que je porte et de haine et d'envie
    Au médecin qui vient soir et matin
    Sans nul propos tâtonner le tétin,
    Le sein, le ventre et les flancs de m'amie !

    Las ! il n'est pas si soigneux de sa vie
    Comme elle pense, il est méchant et fin :
    Cent fois le jour ne la vient voir, qu'à fin
    De voir son sein qui d'aimer le convie.

    Vous qui avez de sa...

  • Maîtresse, embrasse-moi, baise-moi, serre-moi,
    Haleine contre haleine, échauffe-moi la vie,
    Mille et mille baisers donne-moi je te prie,
    Amour veut tout sans nombre, amour n'a point de loi.

    Baise et rebaise-moi ; belle bouche pourquoi
    Te gardes-tu là-bas, quand tu seras blêmie,
    A baiser (de Pluton ou la femme ou l'amie),
    N'ayant plus ni couleur, ni rien...

  • Amour me tue, et si je ne veux dire
    Le plaisant mal que ce m'est de mourir :
    Tant j'ai grand peur, qu'on veuille secourir
    Le mal, par qui doucement je soupire.

    Il est bien vrai, que ma langueur désire
    Qu'avec le temps je me puisse guérir :
    Mais je ne veux ma dame requérir
    Pour ma santé : tant me plaît mon martyre.

    Tais-toi langueur je sens...

  • Quand je te voy seule assise à par-toy,
    Toute amusée avecques ta pensée,
    Un peu la teste encontre bas baissée,
    Te retirant du vulgaire et de moy :

    Je veux souvent pour rompre ton esmoy,
    Te saluer, mais ma voix offensée,
    De trop de peur se retient amassée
    Dedans la bouche, et me laisse tout coy.

    Souffrir ne puis les rayons de ta veuë :
    ...

  • Plût-il à Dieu n'avoir jamais tâté
    Si follement le tétin de m'amie !
    Sans lui vraiment l'autre plus grande envie,
    Hélas ! ne m'eût, ne m'eût jamais tenté.

    Comme un poisson, pour s'être trop hâté,
    Par un appât, suit la fin de sa vie,
    Ainsi je vois où la mort me convie,
    D'un beau tétin doucement apâté.

    Qui eût pensé, que le cruel destin
    ...