• Plus ferme foi ne fut oncques jurée
    A nouveau prince, ô ma belle princesse,
    Que mon amour qui vous sera sans cesse
    Contre le temps et la mort assurée.
    De fossés creux ou de tour bien murée
    N'a pas besoin de ma foi la fortresse,
    Dont je vous fis, dame, reine et maîtresse,
    Parce qu'elle est d'éternelle durée.
    Trésor ne peut sur elle être vainqueur...

  • (Fragment)

    Ouy, j'escry rarement, et me plais de le faire ;
    Non pas que la paresse en moy soit ordinaire,
    Mais si tost que je prens la plume à ce dessein,
    Je croy prendre en galere une rame en la main ;
    Je sens, au second vers que la Muse me dicte,
    Que contre sa fureur ma raison se despite.

    Or si par fois j'escry suivant mon ascendant,
    ...

  • Sans parler, je t'entends : il faut suivre l'orage ;
    Aussi bien on ne peut où choisir avantage ;
    Nous vivons à tâtons et, dans ce monde ici,
    Souvent avec travail on poursuit du souci ;
    Car les dieux courroucés contre la race humaine
    Ont mis avec les biens les sueurs et la peine.
    Le monde est un berlan où tout est confondu
    Tel pense avoir gagné qui...

  • J'ai vécu sans nul pensement,
    Me laissant aller doucement
    A la bonne loi naturelle,
    Et si m'étonne fort pourquoi
    La mort daigna songer à moi,
    Qui n'ai daigné penser à elle.

  • ...Aussi, lors que l'on voit un homme par la rue
    Dont le rabat est sale et la chausse rompue,
    Ses grègues aux genoux, au coude son pourpoint,
    Qui soit de pauvre mine et qui soit mal en point,
    Sans demander son nom on le peut reconnaître ;
    Car si ce n'est un poète au moins il le veut être. [...]

    Or laissant tout ceci, retourne à nos moutons,
    Muse,...

  • (Fragment)

    ... Ô Muse ! je t'invoque : emmielle-moi le bec,
    Et bandes de tes mains les nerfs de ton rebec.
    Laisse moy là Phoebus chercher son avanture,
    Laisse moy son b mol, prend la clef de nature,
    Et vien, simple, sans fard, nue et sans ornement,
    Pour accorder ma flute avec ton instrument.

    Dy moy comme sa race, autrefois ancienne,
    ...

  • Ô Dieu, si mes péchés irritent ta fureur,
    Contrit, morne et dolent, j'espère en ta clémence.
    Si mon deuil ne suffit à purger mon offense,
    Que ta grâce y supplée et serve à mon erreur.

    Mes esprits éperdus frissonnent de terreur,
    Et, ne voyant salut que par la pénitence,
    Mon coeur, comme mes yeux, s'ouvre à la repentance,
    Et me hais tellement que je m'en...

  • Quand sur moi je jette les yeux,
    À trente ans me voyant tout vieux,
    Mon coeur de frayeur diminue :
    Étant vieilli dans un moment,
    Je ne puis dire seulement
    Que ma jeunesse est devenue.

    Du berceau courant au cercueil,
    Le jour se dérobe à mon oeil,
    Mes sens troublés s'évanouissent.
    Les hommes sont comme des fleurs
    Qui naissent et...

  • Ô mal non mal qui doucement m'oppresses !
    Crainte asseuree, ô joyeuse douleur !
    Rians souspirs, vermeillette paleur !
    Coeur abatu, sans aucunes destresses !

    Affections qui estes les maistresses,
    Et qui servez à mon esprit vainqueur !
    Raison rangee, ô bienheureux malheur
    Qui m'abatant tout soudain me redresses !

    Ô morte vie ! ô tresvivante...

  • Lors que la brune nuict charge sa robbe noire,
    Sous icelle tenant tous animaux cachez,
    Et que ces feux luisans au grand ciel attachez,
    Celebrent hautement de l'Eternel la gloire :

    De mon ame la nuict me vient en la memoire
    Et lors que bien couverts je pense mes pechez,
    Tes clairs yeux ne sont point à les voir empeschez :
    Car mon coeur, et ma langue...