• Oh ! tes si douces mains et leur lente caresse
    Se nouant à mon cou et glissant sur mon torse
    Quand je te dis, au soir tombant, combien ma force
    S'alourdit, jour à jour, du plomb de ma faiblesse !

    Tu ne veux pas que je devienne ombre et ruine
    Comme ceux qui s'en vont du côté des ténèbres,
    Fût-ce avec un laurier entre leurs mains funèbres
    Et la gloire...

  • Vivons, dans notre amour et notre ardeur,
    Vivons si hardiment nos plus belles pensées
    Qu'elles s'entrelacent harmonisées
    A l'extase suprême et l'entière ferveur,

    Parce qu'en nos âmes pareilles,
    Quelque chose de plus sacré que nous
    Et de plus pur, et de plus grand s'éveille,
    Joignons les mains pour l'adorer à travers nous.

    Il n'importe que...

  • Sous le fuligineux étain d'un ciel d'hiver,
    Le froid gerce le sol des plaines assoupies,
    La neige adhère aux flancs râpés d'un talus vert
    Et par le vide entier grincent des vols de pies.

    Avec leurs fins rameaux en serres de harpies,
    De noirs taillis méchants s'acharnent à griffer,
    Un tas de feuilles d'or pourrissent en charpies ;
    On s'imagine...

  • En ces heures de vice et de crime rigides,
    Se rêve un meurtre ardent, que la nuit grandirait
    De son orgueil - plafond d'ébène et clous algides -
    Et de la toute horreur de sa noire forêt,
    Là-bas, quand, parmi les ombres qui se menacent,
    Au clair acier des eaux, un glaive d'or surgit
    Vers les rages qui vont et les haines qui passent.

    - Et pieds mystérieux...

  • Quelqu'un m'avait prédit, qui tenait une épée
    Et qui riait de mon orgueil stérilisé :
    Tu seras nul, et pour ton âme inoccupée
    L'avenir ne sera qu'un regret du passé.

    Ton corps, où s'est aigri le sang de purs ancêtres,
    Fragile et lourd, se cassera dans chaque effort;
    Tu seras le fiévreux ployé, sur les fenêtres,
    D'où l'on peut voir bondir la vie et ses...

  • Lys tranquille, Lys douce et lente
    Dont le vent berce, aux bords, les herbes et les plantes,
    Vous entourez nos champs et nos hameaux, là-bas,
    De mille et mille méandres,
    Pour mieux tenir serrée, entre vos bras,
    La Flandre.

    Et vous allez et revenez,
    Sans angoisse et sans marée,
    Automne, hiver, été, printemps ;
    Et vous avez toujours le...

  • - Dans la ville d'ébène et d'or,
    Sombre dame des carrefours,
    Qu'attendre, après tant de jours,
    Qu'attendre encor ?

    - Les chiens du noir espoir ont aboyé, ce soir,
    Vers les lunes de mes deux yeux,
    Si longuement, vers mes deux yeux silencieux,
    Si longuement et si terriblement, ce soir,
    Vers les lunes de mes deux yeux en noir.

    Dites...

  • Le site est floconneux de brume
    Qui s'épaissit en bourrelets,
    Autour des seuils et des volets,
    Et, sur les berges, fume.

    Le fleuve traîne, pestilentiel,
    Les charognes que le courant rapporte;
    Et la lune semble une morte
    Qu'on enfouit au bout du ciel.

    Seules, en des barques, quelques lumières
    Illuminent et grandissent les dos
    ...

  • Hélas, depuis les jours des suprêmes combats,
    Tes compagnes sont la frayeur et l'infortune ;
    Tu n'as plus pour pays que des lambeaux de dunes
    Et des plaines en feu sur l'horizon, là-bas.

    Anvers et Gand et Liége et Bruxelles et Bruges
    Te furent arrachés et gémissent au loin
    Sans que tes yeux encor vaillants soient leurs témoins
    Ni que tes bras armés...

  • Le monde est fait avec des astres et des hommes.
    Là-haut,
    Depuis quels temps à tout jamais silencieux,
    Là-haut,
    En quels jardins profonds et violents des cieux,
    Là-haut,
    Autour de quels soleils,
    Pareils
    à des ruches de feux,
    Tourne, dans la splendeur de l'espace énergique,
    L'essaim myriadaire et merveilleux
    Des planètes tragiques ?
    ...