• Au carrefour des abattoirs et des casernes,
    Il apparaît, foudroyant et vermeil,
    Le sabre en bel éclair dans le soleil.

    Masque d'airain, bicorne d'or ;
    Et l'horizon, là-bas, où le combat se tord,
    Devant ses yeux hallucinés de gloire !

    Un élan fou, un bond brutal
    Jette en avant son geste et son cheval
    Vers la victoire.

    Il est volant...

  • Je suis l'halluciné de la forêt des Nombres,
    Le front fendu, d'avoir buté,
    Obstinément, contre leur fixité.

    Arbres roides dans le sol clair
    Et ramures en sillages d'éclair
    Et fûts comme un faisceau de lances
    Et rocs symétriques dans l'air,
    Blocs de peur et de silence.

    Là-haut, le million épars des diamants
    Et les regards, aux...

  • Dans les bouges fumeux où pendent des jambons,
    Des boudins bruns, des chandelles et des vessies,
    Des grappes de poulets, des grappes de dindons,
    D'énormes chapelets de volailles farcies,
    Tachant de rose et blanc les coins du plafond noir,
    En cercle, autour des mets entassés sur la table,
    Qui saignent, la fourchette au flanc dans un tranchoir,
    Tous ceux...

  • Ongles de feu, cierges ! - Ils s'allument, les soirs,
    Doigts mystiques dressés sur des chandeliers d'or,
    A minces et jaunes flammes, dans un décor
    Et de cartels et de blasons et de draps noirs.

    Ils s'allument dans le silence et les ténèbres,
    Avec le grésil bref et méchant de leur cire,
    Et se moquent - et l'on croirait entendre rire
    Les prières...

  • Et maintenant que sont tombés les hauts feuillages
    Qui tenaient le jardin sous leur ombre abrité,
    On voit, à travers le branchage à nu, monter
    Là-bas, vers l'horizon, les toits des vieux villages.

    Tant que l'été darda sa joie, aucun de nous
    Ne les a vus groupés non loin de notre porte
    Mais aujourd'hui que fleurs et que feuilles sont mortes
    Nous y...

  • Bien que déjà, ce soir
    L'automne
    Laisse aux sentes et aux orées,
    Comme des mains dorées,
    Lentes, les feuilles choir,
    Bien que déjà l'automne,
    Ce soir, avec ses bras de vent,
    Moissonne,
    Sur les rosiers fervents
    Les pétales et leur pâleur,
    Ne laissons rien de nos deux âmes
    Tomber soudain avec ces fleurs.

    Mais tous les deux, autour...

  • Sur la bruyère longue infiniment,
    Voici le vent cornant Novembre ;
    Sur la bruyère, infiniment,
    Voici le vent
    Qui se déchire et se démembre,
    En souffles lourds, battant les bourgs ;
    Voici le vent,
    Le vent sauvage de Novembre.

    Aux puits des fermes,
    Les seaux de fer et les poulies
    Grincent ;
    Aux citernes des fermes.
    Les seaux et...

  • Se regardant avec les yeux cassés de leurs fenêtres
    Et se mirant dans l'eau de poix et de salpêtre
    D'un canal droit, marquant sa barre à l'infini, .
    Face à face, le long des quais d'ombre et de nuit,
    Par à travers les faubourgs lourds
    Et la misère en pleurs de ces faubourgs,
    Ronflent terriblement usine et fabriques.

    Rectangles de granit et monuments de...

  • Au soir tombant, lorsque déjà l'essor
    De la vie agitée et rapace s'affaisse,
    Sous un ciel bas et mou et gonflé d'ombre épaisse,
    Le quartier fauve et noir dresse son vieux décor
    De chair, de sang, de vice et d'or.

    Des commères, blocs de viande tassée et lasse,
    Interpellent, du seuil de portes basses,
    Les gens qui passent ;
    Derrière elles, au fond de...

  • Et qu'importe d'où sont venus ceux qui s'en vont,
    S'ils entendent toujours un cri profond
    Au carrefour des doutes !
    Mon corps est lourd, mon corps est las,
    Je veux rester, je ne peux pas ;
    L'âpre univers est un tissu de routes
    Tramé de vent et de lumière ;
    Mieux vaut partir, sans aboutir,
    Que de s'asseoir, même vainqueur, le soir,
    Devant son oeuvre...