• I

    Je voudrais posséder pour dire tes splendeurs,
    Le plain-chant triomphal des vagues sur les sables,
    Ou les poumons géants des vents intarissables ;

    Je voudrais dominer les lourds échos grondeurs,
    Qui jettent, dans la nuit des paroles étranges,
    Pour les faire crier et clamer tes louanges ;

    Je voudrais que la mer tout entière chantât,...

  • Ces hommes de labour, que Greuze affadissait
    Dans les molles couleurs de paysanneries,
    Si proprets dans leur mise et si roses, que c'est
    Motif gai de les voir, parmi les sucreries
    D'un salon Louis-Quinze animer des pastels,
    Les voici noirs, grossiers, bestiaux - ils sont tels.

    Entre eux, ils sont parqués par villages : en somme,
    Les gens des...

  • Deux vieux marins des mer& du Nord
    S'en revenaient, un soir d'automne,
    De la Sicile et de ses îles souveraines,
    Avec un peuple de Sirènes,
    A bord.

    Joyeux d'orgueil, ils regagnaient leur fiord,
    Parmi les brumes mensongères,
    Joyeux d'orgueil, ils regagnaient le Nord
    Sous un vent morne et monotone,
    Un soir de tristesse et d'automne....

  • Le premier arbre de l'allée ?
    - Il est parti, dites, vers où,
    Avec son tronc qui bouge et son feuillage fou
    Et la rage du ciel à ses feuilles mêlée ?

    Les autres arbres ? - L'ont suivi
    Sur double rang, à l'infini ;
    Ils vont là-bas, sans perdre haleine,
    A sa suite, de plaine en plaine ;
    Ils vont là-bas où les conduit
    Sa marche à lui,...

  • Ce n'est qu'un bout de sol dans l'infini du monde.
    Le Nord
    Y déchaîne le vent qui mord.
    Ce n'est qu'un peu de terre avec sa mer au bord
    Et le déroulement de sa dune inféconde.

    Ce n'est qu'un bout de sol étroit,
    Mais qui renferme encore et sa reine et son roi,
    Et l'amour condensé d'un peuple qui les aime.
    Le Nord
    A beau y déchaîner le...

  • La neige tombe, indiscontinûment,
    Comme une lente et longue et pauvre laine,
    Parmi la morne et longue et pauvre plaine,
    Froide d'amour, chaude de haine.

    La neige tombe, infiniment,
    Comme un moment -
    Monotone - dans un moment ;
    La neige choit, la neige tombe,
    Monotone, sur les maisons
    Et les granges et leurs cloisons ;
    La neige tombe et...

  • Par les plaines de mon âme, tournée au Nord,
    Le vieux berger des novembres mornes, il corne,
    Debout, comme un malheur, au seuil du bercail morne,
    Il corne au loin l'appel des brebis de la mort.

    L'étable est faite en moi avec mon vieux remord,
    Au fond de mes pays de tristesse sans borne,
    Par les plaines de mon âme, qu'une viorne,
    Lasse de ses flots...

  • Le printemps jeune et bénévole
    Qui vêt le jardin de beauté
    Elucide nos voix et nos paroles
    Et les trempe dans sa limpidité.

    La brise et les lèvres des feuilles
    Babillent, et lentement effeuillent
    En nous les syllabes de leur clarté.

    Mais le meilleur de nous se gare
    Et fuit les mots matériels ;
    Un simple et doux élan muet
    Mieux...

  • Bien que flasque et geignant et si pauvre ! si morne !
    Si las! Redresse-toi, de toi-même vainqueur ;
    Lève ta volonté qui choit contre la borne
    Et sursaute, debout, rosse à terre, mon c?ur !

    Exaspère sinistrement ta toute exsangue
    Carcasse et pousse au vent, par des chemins rougis
    De sang, ta course ; et flaire et lèche avec ta langue
    Ta plaie, et lutte...

  • Je les ai vus, je les ai vus,
    Ils passaient, par les sentes,
    Avec leurs yeux, comme des fentes,
    Et leurs barbes, comme du chanvre.

    Deux bras de paille,
    Un dos de foin,
    Blessés, troués, disjoints,
    Ils s'en venaient des loins,
    Comme d'une bataille.

    Un chapeau mou sur leur oreille,
    Un habit vert comme l'oseille ;
    Ils étaient deux...