• Le monde est trépidant de trains et de navires.

    De l'Est à l'Ouest, du Sud au Nord,
    Stridents et violents,
    Ils vont et fuient ;
    Et leurs signaux et leurs sifflets déchirent
    L'aube, lejour, le soir, la nuit ;
    Et leur fumée énorme et transversale
    Barre les cités colossales
    Et la plaine et la grève et les flots et les cieux.
    Et le tonnerre...

  • Oh ! ce bonheur
    Si rare et si frêle parfois
    Qu'il nous fait peur

    Nous avons beau taire nos voix
    Et nous faire comme une tente,
    Avec toute ta chevelure,
    Pour nous créer un abri sûr,
    Souvent l'angoisse en nos âmes fermente.

    Mais notre amour étant comme un ange à genoux
    Prie et supplie
    Que l'avenir donne à d'autres que nous
    Même...

  • C'est bien mon deuil, le tien, ô l'automne dernière !
    Râles que roule, au vent du nord, la sapinière,
    Feuillaison d'or à terre et feuillaison de sang,
    Sur des mousses d'orée ou des mares d'étang,
    Pleurs des arbres, mes pleurs, mes pauvres pleurs de sang.

    C'est bien mon deuil, le tien, ô l'automne dernière !
    Secousses de colère et rages de crinière,
    ...

  • Là-bas,
    Parmi les Don, et les Dnieper, et les Volga,
    Où la bise éternelle, à rude et sombre haleine,
    Durcit la plaine ;
    Et puis, là-bas encor,
    Où les glaçons monumentaux des Nords
    Bloquent, de leurs parois hiératiques,
    Les bords
    Du fiord scandinave et du golfe baltique
    Et puis, plus loin encor, plus loin toujours.
    Sur les plateaux d'Asie
    ...

  • Noires syrinx d'ombre et de tôle,
    Les inégales cheminées,
    Sur les villes échelonnées,
    Au long des mers jusques au pôle,
    Grondent aux bises déchaînées,
    Durant l'automne.

    Assis en rond autour du feu,
    Les hommes las et miséreux
    Souffrent et geignent.
    Le désespoir et l'ennui règnent ;
    On s'examine et l'on attend.
    Nul ne répond aux...

  • Je suis le fils de cette race
    Dont les cerveaux plus que les dents
    Sont solides et sont ardents
    Et sont voraces.

    Je suis le fils de cette race
    Dont les desseins ont prévalu
    Dans les luttes profondes
    De monde à monde,
    Je suis le fils de cette race
    Tenace
    Qui veut, après avoir voulu,
    Encore, encore et encore plus !

    Races...

  • Asseyons-nous tous deux près du chemin,
    Sur le vieux banc rongé de moisissures,
    Et que je laisse, entre tes deux mains sûres,
    Longtemps s'abandonner ma main.

    Avec ma main qui longtemps s'abandonne
    A la douceur de se sentir sur tes genoux,
    Mon coeur aussi, mon coeur fervent et doux
    Semble se reposer, entre tes deux mains bonnes.

    Et c'est la...

  • C'était en juin, dans le jardin,
    C'était notre heure et notre jour ;
    Et nos yeux regardaient, avec un tel amour,
    Les choses,
    Qu'il nous semblait que doucement s'ouvraient
    Et nous voyaient et nous aimaient
    Les roses.

    Le ciel était plus pur qu'il ne le fut jamais :
    Les insectes et les oiseaux
    Volaient dans l'or et dans la joie
    D'un air...

  • Les magasins de la Grand'Place
    Mirent leur deuil et leur passé,
    Et l'or de leur fronton usé,
    Dans les égouts qui les enlacent.

    Un drapeau pend comme un haillon,
    Au pignon rouge de la Banque ;
    L'heure est vieillotte : une dent manque
    Au râtelier du carillon.

    La pluie, à tomber là, s'ennuie,
    Tout son de cloche y semble un glas,...

  • Dès le matin, par mes grand'routes coutumières
    Qui traversent champs et vergers,
    Je suis parti clair et léger,
    Le corps enveloppé de vent et de lumière.

    Je vais, je ne sais où. Je vais, je suis heureux ;
    C'est fête et joie en ma poitrine ;
    Que m'importent droits et doctrines,
    Le caillou sonne et luit sous mes talons poudreux ;

    Je marche...