• Je noie en tes deux yeux mon âme tout entière
    Et l'élan fou de cette âme éperdue,
    Pour que, plongée en leur douceur et leur prière,
    Plus claire et mieux trempée, elle me soit rendue.

    S'unir pour épurer son être
    Comme deux vitraux d'or en une même abside
    Croisent leurs feux différemment lucides
    Et se pénètrent !

    Je suis parfois si lourd, si...

  • Près du fleuve roulant vers l'horizon ses ors
    Et ses pourpres et ses vagues entre-frappées,
    S'ouvre et rayonne, ainsi qu'un grand faisceau d'épées,
    L'abside ardente avec ses sveltes contreforts.

    La nef allume auprès ses merveilleux décors :
    Ses murailles de fer et de granit drapées,
    Ses verrières d'émaux et de bijoux jaspées
    Et ses cryptes, où sont...

  • Lorsque s'épand sur notre seuil la neige fine
    Au grain diamanté,
    J'entends tes pas venir rôder et s'arrêter
    Dans la chambre voisine.

    Tu retires le clair et fragile miroir
    Du bord de la fenêtre,
    Et ton trousseau de clefs balle au long du tiroir
    De l'armoire de hêtre.

    J'écoute et te voici qui tisonnes le feu
    Et réveilles les braises...

  • Viens jusqu'à notre seuil répandre
    Ta blanche cendre
    Ô neige pacifique et lentement tombée :
    Le tilleul du jardin tient ses branches courbées
    Et plus ne fuse au ciel la légère calandre.

    Ô neige,
    Qui réchauffes et qui protèges
    Le blé qui lève à peine
    Avec la mousse, avec la laine
    Que tu répands de plaine en plaine !
    Neige silencieuse...

  • Où vont les vieux paysans noirs
    Par les chemins en or des soirs ?

    A grands coups d'ailes affolées,
    En leurs toujours folles volées,
    Les moulins fous fauchent le vent.

    Le cormoran des temps d'automne
    jette au ciel triste et monotone
    Son cri sombre comme la nuit.

    C'est l'heure brusque de la terreur,
    Où passe, en son charroi d'horreur...

  • Un soir plein de pourpres et de fleuves vermeils
    Pourrit, par au-delà des plaines diminuées,
    Et fortement, avec les poings de ses nuées,
    Sur l'horizon verdâtre, écrase des soleils.
    Saison massive! Et comme Octobre, avec paresse
    Et nonchaloir, se gonfle et meurt dans ce décor
    Pommes ! caillots de feu ; raisins ! chapelets d'or,
    Que le doigté tremblant des...

  • Mon coeur, Je l'ai rempli du beau tumulte humain :
    Tout ce qui fut vivant et haletant sur terre,
    Folle audace, volonté sourde, ardeur austère
    Et la révolte d'hier et l'ordre de demain
    N'ont point pour les juger refroidi ma pensée.
    Sombres charbons, j'ai fait de vous un grand feu d'or,
    N'exaltant que sa flamme et son volant essor

    Qui mêlaient leur...

  • Au long de promenoirs qui s'ouvrent sur la nuit
    - Balcons de fleurs, rampes de flammes -
    Des femmes en deuil de leur âme
    Entrecroisent leurs pas sans bruit.

    Le travail de la ville et s'épuise et s'endort :
    Une atmosphère éclatante et chimique
    Etend au loin ses effluves sur l'or
    Myriadaire d'un grand décor panoramique.

    Comme des clous, le gaz...

  • L'âge est venu, pas à pas, jour à jour,
    Poser ses mains sur le front nu de notre amour
    Et, de ses yeux moins vifs, l'a regardé.

    Et, dans le beau jardin que Juillet a ridé,
    Les fleurs, les bosquets et les feuilles vivantes
    Ont laissé choir un peu de leur force fervente
    Sur l'étang pâle et sur les chemins doux.
    Parfois, le soleil marque, âpre et...

  • Sous la tristesse et l'angoisse des cieux
    Les lieues
    S'en vont autour des plaines ;
    Sous les cieux bas
    Dont les nuages traînent
    Immensément, les lieues
    Se succèdent, là-bas.

    Droites sur des chaumes, les tours ;
    Et des gens las, par tas,
    Qui vont de bourg en bourg:
    Les gens vaguants
    Comme la route, ils ont cent ans ;
    Ils vont de...