• Que tes yeux clairs, tes yeux d'été,
    Me soient, sur terre,
    Les images de la bonté.

    Laissons nos âmes embrasées
    Revêtir d'or chaque flamme de nos pensées.

    Que mes deux mains contre ton coeur
    Te soient, sur terre,
    Les emblèmes de la douceur.

    Vivons pareils à deux prières éperdues
    L'une vers l'autre, à toute heure, tendues.
    ...

  • Vagues d'argent et beau ciel clair
    Le flot sur les grèves se vide.
    Les cinq pêcheurs équestres de Coxyde
    Pèchent nonchalamment, sur le bord de la mer.

    Dans les lueurs et dans les moires
    Des vagues pâles, passent,
    Allant, venant,
    Leurs silhouettes noires
    Les chevaux vieux, les chevaux las,
    Parfois lèvent la tête, et regardent là-bas,
    L'...

  • Pâles, nerveux et seuls, les tragiques malades
    Vivent avec leurs maux. Ils regardent le soir
    Se faire dans leur chambre et grandir les façades.
    Une église près d'eux lève son clocher noir,

    Heure morte, là-bas, quelque part, en province,
    En des quartiers perdus, au fond d'un clos désert,
    Où s'endeuillent les murs et les porches dont grince
    Le gond...

  • Oh ! les heures du soir sous ces climats légers,
    La lumière en est belle et la lune y est douce,
    Et l'ombre souple et claire y répand sur les mousses
    Les mobiles dessins d'un feuillage étranger.

    Oliviers d'Aragon, figuiers de Catalogne,
    Hameaux calmes et blancs sur vos ruisseaux penchés,
    Derniers rayons frôlant les toits et les clochers
    Où s'arrêtait...

  • En ces heures de soir où sous la brume épaisse
    Le ciel voilé s'efface et lentement s'endort,
    Je marche recueilli, mais sans vaine tristesse,
    Sur la terre pleine de morts.

    Je fais sonner mon pas pour qu'encore ils l'entendent
    Et qu'ils songent, en leur sommeil morne et secret,
    A ceux dont la ferveur et la force plus grandes
    Refont le monde qu'ils...

  • Nous avancions, tranquillement, sous les étoiles ;
    La lune oblique errait autour du vaisseau clair,
    Et l'étagement blanc des vergues et des voiles
    Projetait sa grande ombre au large sur la mer.

    La froide pureté de la nuit embrasée
    Scintillait dans l'espace et frissonnait sur l'eau ;
    On voyait circuler la grande Ourse et Persée
    Comme en des cirques d'...

  • Ancres abandonnées sous des hangars maussades,
    Porches de suie et d'ombre où s'engouffrent des voix,
    Pignons crasseux, greniers obscurs, mornes façades
    Et gouttières régulières, au long des toits ;
    Et blocs de fonte et crocs d'acier et cols de grues
    Et puis, au bas des murs, dans les caves, l'écho
    Du pas des chevaux las sur le pavé des rues
    Et des rames en...

  • Oh ces larges beaux jours dont les matins flamboient !
    La terre ardente et fière est plus superbe encor
    Et la vie éveillée est d'un parfum si fort
    Que tout l'être s'en grise et bondit vers la joie.

    Soyez remerciés, mes yeux,
    D'être restés si clairs, sous mon front déjà vieux,
    Pour voir au loin bouger et vibrer la lumière ;
    Et vous, mes mains, de...

  • Et je voudrais aussi ma couronne d'épines
    Et pour chaque pensée, une, rouge, à travers
    Le front, jusqu'au cerveau, jusqu'aux frêles racines
    où se tordent les maux et les rêves forgés
    En moi, par moi. Je la voudrais comme une rage,
    Comme un buisson d'ébène en feu, comme des crins
    D'éclairs et de flammes, peignés de vent sauvage;
    Et ce seraient mes vains et...

  • Et là, ce moine noir, que vêt un froc de deuil,
    Construit, dans sa pensée, un monument d'orgueil.

    Il le bâtit, tout seul, de ses mains taciturnes,
    Durant la veille ardente et les fièvres nocturnes.

    Il le dresse, d'un jet, sur les Crédos béants,
    Comme un phare de pierre au bord des océans,

    Il y scelle sa fougue et son ardeur mystique,
    Et...