• Des murs crépis, de pauvres toits,
    Un pont, un chemin de halage,
    Et le moulin qui fait sa croix
    De haut en bas, sur le village.

    Les appentis et les maisons
    S'échouent, ainsi que choses mortes.
    Le filet dort : et les poissons
    Sèchent, pendus au seuil des portes.

    Un chien sursaute en longs abois ;
    Des cris passent, lourds et funèbres...

  • Lorsque rentrent des alentours,
    Tels soirs d'été, les attelages,
    Les vieilles gens des vieux villages
    Se rassemblent aux carrefours.

    Les plus anciens semblent descendre
    Du calvaire de leurs cent ans ;
    Leurs petits yeux sont clignotants
    Dans leur face couleur de cendre.

    Ils sont à bout de tant marcher ;
    Ils radotent, sourient et...

  • Traînant leurs pas après leurs pas
    Le front pesant et le coeur las,
    S'en vont, le soir, par la grand'route,
    Les gens d'ici, buveurs de pluie,
    Lécheurs de vent, fumeurs de brume.

    Les gens d'ici n'ont rien de rien,
    Rien devant eux
    Que l'infini de la grand'route.

    Chacun porte au bout d'une gaule,
    Dans un mouchoir à carreaux bleus,
    ...

  • La demoiselle en bandeaux noirs,
    Qui brode à l'aube et brode au soir,
    Toujours à la même fenêtre,
    Est assise derrière un écran vert
    Et regarde la rue et le temps gris d'hiver,
    De son fauteuil bourré de laine et de bien-être.

    Deux béguines ont salué l'apothicaire,
    Très bas, puis ont quitté son seuil à reculons ;
    Le sacristain s'en est allé chez...

  • Hélas, quel soir ! ce soir de maussade veillée.
    Je hais, je ne sais plus ; je veux, je ne sais pas ;
    Ah mon âme, vers un néant, s'en est allée,
    Vers un néant, très loin je ne sais où, là-bas ?

    Il bat des tas de glas au-dessus de ma tête,
    Le vent, il corne à mort, et les cierges bénits
    Qu'on allumait, pendant la peur de la tempête,
    Les bons cierges...

  • Comme aux âges naïfs, je t'ai donné mon coeur,
    Ainsi qu'une ample fleur,
    Qui s'ouvre pure et belle aux heures de rosée ;
    Entre ses plis mouillés ma bouche s'est posée.

    La fleur, je la cueillis avec des doigts de flamme,
    Ne lui dis rien : car tous les mots sont hasardeux
    C'est à travers les yeux que l'âme écoute une âme.

    La fleur qui est mon...

  • Fut-il en nous une seule tendresse,
    Une pensée, une joie, une promesse,
    Que nous n'ayons semée au-devant de nos pas ?

    Fut-il une prière en secret entendue,
    Dont nous n'ayons serré les mains tendues
    Avec douceur sur notre sein ?

    Fut-il un seul appel, un seul dessein,
    Un voeu tranquille ou violent
    Dont nous n'ayons accéléré l'élan ?
    ...

  • Des fleurs fines et mousseuses comme l'écume
    Poussaient au bord de nos chemins
    Le vent tombait et l'air semblait frôler tes mains
    Et tes cheveux avec des plumes.

    L'ombre était bienveillante à nos pas réunis
    En leur marche, sous le feuillage ;
    Une chanson d'enfant nous venait d'un village
    Et remplissait tout l'infini.

    Nos étangs s'étalaient...

  • Soir de juillet torride et sec.
    Serrant le bois sonore au creux de son épaule,
    Un joueur de rebec
    S'est lentement assis et joue au pied d'un saule.

    Il chante pour lui seul et ne voit pas
    Qu'en ce déclin du jour se rapprochent des pas
    Sous les arbres, au long des routes ;
    Et qu'on se glisse derrière les troncs
    Et qu'à demi cachés apparaissent...

  • Tu arbores parfois cette grâce bénigne
    Du matinal jardin tranquille et sinueux
    Qui déroule, là-bas, parmi les lointains bleus,
    Ses doux chemins courbés en cols de cygne.

    Et, d'autres fois, tu m'es le frisson clair
    Du vent rapide et exaltant
    Qui passe, avec ses doigts d'éclair,
    Dans les crins d'eau de l'étang blanc.

    Au bon toucher de tes...