• Les pitons des sierras, les dunes du désert,
    Où ne pousse jamais un seul brin d'herbe vert ;
    Les monts aux flancs zébrés de tuf, d'ocre et de marne,
    Et que l'éboulement de jour en jour décharne,
    Le grès plein de micas papillotant aux yeux,
    Le sable sans profit buvant les pleurs des cieux,
    Le rocher renfrogné dans sa barbe de ronce ;
    L'ardente solfatare...

  • Parfois un enfant trouve une petite graine
    Et tout d'abord, charmé de ses vives couleurs,
    Pour la planter il prend un pot de porcelaine
    Orné de dragons bleus et de bizarres fleurs.

    Il s'en va. La racine en couleuvres s'allonge,
    Sort de terre, fleurit et devient arbrisseau ;
    Chaque jour, plus avant, son pied chevelu plonge,
    Tant qu'il fasse éclater...

  • Le ciel est noir, la terre est blanche ;
    - Cloches, carillonnez gaîment ! -
    Jésus est né ; - la Vierge penche
    Sur lui son visage charmant.

    Pas de courtines festonnées
    Pour préserver l'enfant du froid ;
    Rien que les toiles d'araignées
    Qui pendent des poutres du toit.

    Il tremble sur la paille fraîche,
    Ce cher petit enfant Jésus,
    Et...

  • Allons, ange déchu, ferme ton aile rose ;
    Ôte ta robe blanche et tes beaux rayons d'or ;
    Il faut, du haut des cieux où tendait ton essor,
    Filer comme une étoile, et tomber dans la prose.

    Il faut que sur le sol ton pied d'oiseau se pose.
    Marche au lieu de voler : il n'est pas temps encor ;
    Renferme dans ton coeur l'harmonieux trésor ;
    Que ta harpe...

  • Venise pour le bal s'habille.
    De paillettes tout étoilé,
    Scintille, fourmille et babille
    Le carnaval bariolé.

    Arlequin, nègre par son masque,
    Serpent par ses mille couleurs,
    Rosse d'une note fantasque
    Cassandre son souffre-douleurs.

    Battant de l'aile avec sa manche
    Comme un pingouin sur un écueil,
    Le blanc Pierrot, par une...

  • C'était une âme neuve, une âme de créole,
    Toute de feu, cachant à ce monde frivole
    Ce qui fait le poète, un inquiet désir
    De gloire aventureuse et de profond loisir,
    Et capable d'aimer comme aimerait un ange,
    Ne trouvant en chemin que des âmes de fange ;
    Peu comprise, blessée au vif à tout moment,
    Mais n'osant pas s'en plaindre, et sans épanchement,...

  • Oui, c'est une montée âpre, longue et poudreuse,
    Un revers décharné, vrai site de Chartreuse.
    Les pierres du chemin, qui croulent sous les pieds,
    Trompent à chaque instant les pas mal appuyés.
    Pas un brin d'herbe vert, pas une teinte fraîche ;
    On ne voit que des murs bâtis en pierre sèche,
    Des groupes contrefaits d'oliviers rabougris,
    Au feuillage...

  • Quand je mourrai, que l'on me mette,
    Avant de clouer mon cercueil,
    Un peu de rouge à la pommette,
    Un peu de noir au bord de l'oeil.

    Car je veux dans ma bière close,
    Comme le soir de son aveu,
    Rester éternellement rose
    Avec du kh'ol sous mon oeil bleu.

    Pas de suaire en toile fine,
    Mais drapez-moi dans les plis blancs
    De ma robe de...

  • Je suis enfant de la montagne,
    Comme l'isard, comme l'aiglon ;
    Je ne descends dans la campagne
    Que pour ma poudre et pour mon plomb ;
    Puis je reviens, et de mon aire
    Je vois en bas l'homme ramper,
    Si haut placé que le tonnerre
    Remonterait pour me frapper.

    Je n'ai pour boire, après ma chasse,
    Que l'eau du ciel dans mes deux mains ;...

  • Un front impérial d'artiste et de poëte,
    Occupant à lui seul la moitié de la tête,
    Large et plein, se courbant sous l'inspiration,
    Qui cache en chaque ride avant l'âge creusée
    Un espoir surhumain, une grande pensée,
    Et porte écrit ces mots : - Force et conviction. -
    Le reste du visage à ce front grandiose
    Répondait. - Cependant il avait quelque chose...