• Marie, baisez-moi ; non, ne me baisez pas,
    Mais tirez-moi le coeur de votre douce haleine ;
    Non, ne le tirez pas, mais hors de chaque veine
    Sucez-moi toute l'âme éparse entre vos bras ;

    Non, ne la sucez pas ; car après le trépas
    Que serais-je sinon une semblance vaine,
    Sans corps, dessus la rive, où l'amour ne démène
    (Pardonne-moi, Pluton) qu'en feintes...

  • Ha ! que je porte et de haine et d'envie
    Au médecin qui vient soir et matin
    Sans nul propos tâtonner le tétin,
    Le sein, le ventre et les flancs de m'amie !

    Las ! il n'est pas si soigneux de sa vie
    Comme elle pense, il est méchant et fin :
    Cent fois le jour ne la vient voir, qu'à fin
    De voir son sein qui d'aimer le convie.

    Vous qui avez de sa...

  • Maîtresse, embrasse-moi, baise-moi, serre-moi,
    Haleine contre haleine, échauffe-moi la vie,
    Mille et mille baisers donne-moi je te prie,
    Amour veut tout sans nombre, amour n'a point de loi.

    Baise et rebaise-moi ; belle bouche pourquoi
    Te gardes-tu là-bas, quand tu seras blêmie,
    A baiser (de Pluton ou la femme ou l'amie),
    N'ayant plus ni couleur, ni rien...

  • Amour me tue, et si je ne veux dire
    Le plaisant mal que ce m'est de mourir :
    Tant j'ai grand peur, qu'on veuille secourir
    Le mal, par qui doucement je soupire.

    Il est bien vrai, que ma langueur désire
    Qu'avec le temps je me puisse guérir :
    Mais je ne veux ma dame requérir
    Pour ma santé : tant me plaît mon martyre.

    Tais-toi langueur je sens...

  • Quand je te voy seule assise à par-toy,
    Toute amusée avecques ta pensée,
    Un peu la teste encontre bas baissée,
    Te retirant du vulgaire et de moy :

    Je veux souvent pour rompre ton esmoy,
    Te saluer, mais ma voix offensée,
    De trop de peur se retient amassée
    Dedans la bouche, et me laisse tout coy.

    Souffrir ne puis les rayons de ta veuë :
    ...

  • Plût-il à Dieu n'avoir jamais tâté
    Si follement le tétin de m'amie !
    Sans lui vraiment l'autre plus grande envie,
    Hélas ! ne m'eût, ne m'eût jamais tenté.

    Comme un poisson, pour s'être trop hâté,
    Par un appât, suit la fin de sa vie,
    Ainsi je vois où la mort me convie,
    D'un beau tétin doucement apâté.

    Qui eût pensé, que le cruel destin
    ...

  • Si d'un mort qui pourri repose
    Nature engendre quelque chose,
    Et si la generation
    Se fait de la corruption,
    Une vigne prendra naissance
    De l'estomac et de la pance
    Du bon Rabelais, qui boivoit
    Tousjours ce pendant qu'il vivoit
    La fosse de sa grande gueule
    Eust plus beu de vin toute seule
    (L'epuisant du nez en deus cous)
    Qu'un porc ne hume...

  • Pipé des ruses d'Amour
    Je me promenois un jour
    Devant l'huis de ma cruelle,
    Et tant rebuté j'estois,
    Qu'en jurant je prometois
    De m'enfuir de chez elle.

    Il sufist d'avoir esté
    Neuf ou dix ans arresté
    Es cordes d'Amour, disoie,
    Il faut m'en developer,
    Ou bien du tout les couper
    Afin que libre je soie.

    Et pour ce faire, je...

  • Dans le serein de sa jumelle flamme
    Je vis Amour, qui son arc débandait,
    Et sur mon coeur le brandon épandait,
    Qui des plus froids les moelles enflamme.

    Puis çà puis là près les yeux de ma dame
    Entre cent fleurs un rets d'or me tendait,
    Qui tout crépu blondement descendait
    A flots ondés pour enlacer mon âme.

    Qu'eussé-je fait ? l'Archer était...

  • Une beauté de quinze ans enfantine,
    Un or frisé de maint crêpe anelet,
    Un front de rose, un teint damoiselet,
    Un ris qui l'âme aux Astres achemine ;

    Une vertu de telles beautés digne,
    Un col de neige, une gorge de lait,
    Un coeur jà mûr en un sein verdelet,
    En Dame humaine une beauté divine ;

    Un oeil puissant de faire jours les nuits,
    Une...