• Si votre doux accueil n'eût consolé ma peine,
    Mon âme languissait, je n'avais plus de veine,
    Ma fureur était morte, et mes esprits couverts
    D'une tristesse sombre avaient quitté les vers.
    Ce métier est pénible, et notre sainte étude
    Ne connaît que mépris, ne sent qu'ingratitude :
    Qui de notre exercice aime le doux souci,
    Il hait sa renommée et sa...

  • Élégie

    J'ai fait ce que j'ai pu pour m'arracher de l'âme
    L'importune fureur de ma naissante flamme,
    J'ai lu toute la nuit, j'ai joué tout le jour,
    J'ai fait ce que j'ai pu pour me guérir d'Amour,
    J'ai lu deux ou trois fois les beaux secrets d'Ovide,
    Et d'un cruel dessein à mes Amours perfide,
    Goûtant tous les plaisirs que peut donner Paris,
    ...

  • Ode

    Plein de colère et de raison
    Contre toi barbare saison
    Je prépare une rude guerre,
    Malgré les lois de l'Univers,
    Qui de la glace des hivers
    Chassent les flammes du tonnerre
    Aujourd'hui l'ire de mes vers
    Des foudres contre toi desserre.

    Je veux que la postérité
    Au rapport de la vérité
    Juge ton crime par ma haine,...

  • Ode

    Un Corbeau devant moi croasse,
    Une ombre offusque mes regards,
    Deux belettes et deux renards
    Traversent l'endroit où je passe :
    Les pieds faillent à mon cheval,
    Mon laquais tombe du haut mal,
    J'entends craqueter le tonnerre,
    Un esprit se présente à moi,
    J'ois Charon qui m'appelle à soi,
    Je vois le centre de la terre.
    ...

  • Qui que tu sois, de grâce écoute ma satire,
    Si quelque humeur joyeuse autre part ne t'attire ;
    Aime ma hardiesse et ne t'offense point
    De mes vers, dont l'aigreur utilement te point.
    Toi que les éléments ont fait d'air et de boue,
    Ordinaire sujet où le malheur se joue,
    Sache que ton filet que le destin ourdit
    Est de moindre importance encor qu'on ne te...

  • Ministre du repos, Sommeil père des songes,
    Pourquoi t'a-t-on nommé l'image de la mort ?
    Que ces faiseurs de vers t'ont jadis fait de tort,
    De le persuader avecque leurs mensonges !

    Faut-il pas confesser qu'en l'aise où tu nous plonges,
    Nos esprits sont ravis par un si doux transport,
    Qu'au lieu de raccourcir, à la faveur du sort,
    Les plaisirs de nos...

  • Élégie

    Proche de la saison où les plus vives fleurs
    Laissent évanouir leur âme et leurs couleurs,
    Un amant désolé, mélancolique et sombre,
    Jaloux de son chemin, de ses pas, de son ombre,
    Baisait aux bords de Loire en flattant son ennui,
    L'image de Caliste errante avecque lui.
    Rêvant auprès du fleuve il disait à son onde :
    " Si tu vas dans la...

  • Vous à qui des fraisches vallees
    Pour moy si durement gelees
    Ouvrent les fontaines de vers,
    Vous qui pouvez mettre en peinture
    Le grand object de l'Univers
    Et tous les traicts de la nature,

    Beaux esprits si chers à la gloire,
    Et sans qui l'oeil de la memoire
    Ne sçauroit rien trouver de beau,
    Escoutez la voix d'un Poëte
    Que les alarmes...

  • Stances

    Quand tu me vois baiser tes bras,
    Que tu poses nus sur tes draps,
    Bien plus blancs que le linge même,
    Quand tu sens ma brûlante main
    Se pourmener dessus ton sein,
    Tu sens bien, Cloris, que je t'aime.

    Comme un dévot devers les cieux,
    Mes yeux tournés devers tes yeux,
    A genoux auprès de ta couche,
    Pressé de mille ardents...

  • L'Aurore sur le front du jour
    Seme l'azur, l'or et l'yvoire,
    Et le Soleil, lassé de boire,
    Commence son oblique tour.

    Ses chevaux, au sortir de l'onde,
    De flame et de clarté couverts,
    La bouche et les nasaux ouverts,
    Ronflent la lumiere du monde.

    Ardans ils vont à nos ruisseaux
    Et dessous le sel et l'escume
    Boivent l'...