• Les vendangeurs lassés ayant rompu leurs lignes,
    Des voix claires sonnaient à l'air vibrant du soir
    Et les femmes, en choeur, marchant vers le pressoir,
    Mêlaient à leurs chansons des appels et des signes.

    C'est par un ciel pareil, tout blanc du vol des cygnes,
    Que, dans Naxos fumant comme un rouge encensoir,
    La Bacchanale vit la Crétoise s'asseoir...

  • L'homme et la bête, tels que le beau monstre antique,
    Sont entrés dans la mer, et nus, libres, sans frein,
    Parmi la brume d'or de l'âcre pulvérin,
    Sur le ciel embrasé font un groupe athlétique.

    Et l'étalon sauvage et le dompteur rustique,
    Humant à pleins poumons l'odeur du sel marin,
    Se plaisent à laisser sur la chair et le crin
    Frémir le flot...

  • Donc, Balthazar, Melchior et Gaspar, les Rois Mages,
    Chargés de nefs d'argent, de vermeil et d'émaux
    Et suivis d'un très long cortège de chameaux,
    S'avancent, tels qu'ils sont dans les vieilles images.

    De l'Orient lointain, ils portent leurs hommages
    Aux pieds du fils de Dieu, né pour guérir les maux
    Que souffrent ici-bas l'homme et les animaux ;
    ...

  • A vous trouppe légère
    Qui d'aile passagère
    Par le monde volez...

    JOACHIM DU BELLAY.


    Accoudée au balcon d'où l'on voit le chemin
    Qui va des bords de Loire aux rives d'Italie,
    Sous un pâle rameau d'olive son front plie.
    La violette en fleur se fanera demain.

    La viole que frôle encor sa frêle main
    Charme sa solitude et sa...

  • Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
    Fatigués de porter leurs misères hautaines,
    De Palos de Moguer, routiers et capitaines
    Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.

    Ils allaient conquérir le fabuleux métal
    Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
    Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
    Aux bords mystérieux du monde...

  • Ici gît, Étranger, la verte sauterelle
    Que durant deux saisons nourrit la jeune Hellé,
    Et dont l'aile vibrant sous le pied dentelé
    Bruissait dans le pin, le cytise ou l'airelle.

    Elle s'est tue, hélas ! la lyre naturelle,
    La muse des guérets, des sillons et du blé ;
    De peur que son léger sommeil ne soit troublé,
    Ah ! passe vite, ami, ne pèse point sur...

  • Cette verrière a vu dames et hauts barons
    Étincelants d'azur, d'or, de flamme et de nacre,
    Incliner, sous la dextre auguste qui consacre,
    L'orgueil de leurs cimiers et de leurs chaperons ;

    Lorsqu'ils allaient, au bruit du cor ou des clairons,
    Ayant le glaive au poing, le gerfaut ou le sacre,
    Vers la plaine ou le bois, Byzance ou Saint-Jean d'Acre,...

  • Celui-là peut compter parmi les grands défunts,
    Car son bras a guidé la première carène
    A travers l'archipel des jardins de la Reine
    Où la brise éternelle est faite de parfums.

    Plus que les ans, la houle et ses âcres embruns,
    Les calmes de la mer embrasée et sereine
    Et l'amour et l'effroi de l'antique sirène
    Ont fait sa barbe blanche et blancs ses...

  • Qui que tu sois, Vivant, passe vite parmi
    L'herbe du tertre où gît ma cendre inconsolée ;
    Ne foule point les fleurs de l'humble mausolée
    D'où j'écoute ramper le lierre et la fourmi.

    Tu t'arrêtes ? Un chant de colombe a gémi.
    Non ! qu'elle ne soit pas sur ma tombe immolée !
    Si tu veux m'être cher, donne-lui la volée.
    La vie est si douce, ah ! laisse-la...

  • Au milieu de l'écume arrêtant son essor,
    Le Cavalier vainqueur du monstre et de Méduse,
    Ruisselant d'une bave horrible où le sang fuse,
    Emporte entre ses bras la vierge aux cheveux d'or.

    Sur l'étalon divin, frère de Chrysaor,
    Qui piaffe dans la mer et hennit et refuse,
    Il a posé l'Amante éperdue et confuse
    Qui lui rit et l'étreint et qui sanglote encor...