• L'hiver a défleuri la lande et le courtil.
    Tout est mort. Sur la roche uniformément grise
    Où la lame sans fin de l'Atlantique brise,
    Le pétale fané pend au dernier pistil.

    Et pourtant je ne sais quel arome subtil
    Exhalé de la mer jusqu'à moi par la brise,
    D'un effluve si tiède emplit mon coeur qu'il grise ;
    Ce souffle étrangement parfumé, d'où vient-il...

  • Avant tout, le Chaos enveloppait les mondes
    Où roulaient sans mesure et l'Espace et le Temps ;
    Puis Gaia, favorable à ses fils les Titans,
    Leur prêta son grand sein aux mamelles fécondes.

    Ils tombèrent. Le Styx les couvrit de ses ondes.
    Et jamais, sous l'éther foudroyé, le Printemps
    N'avait fait resplendir les soleils éclatants,
    Ni l'Eté généreux mûri...

  • Étranger, celui qui, debout au timon d'or,
    Maîtrise d'une main par leur quadruple rêne
    Ses chevaux noirs et tient de l'autre un fouet de frêne,
    Guide un quadrige mieux que le héros Castor.

    Issu d'un père illustre et plus illustre encor...
    Mais vers la borne rouge où la course l'entraîne,
    Il part, semant déjà ses rivaux sur l'arène,
    Le Libyen hardi...

  • La chevelure éparse et la gorge meurtrie,
    Irritant par les pleurs l'ivresse de leurs sens,
    Les femmes de Byblos, en lugubres accents,
    Mènent la funéraire et lente théorie.

    Car sur le lit jonché d'anémone fleurie
    Où la Mort avait clos ses longs yeux languissants,
    Repose, parfumé d'aromate et d'encens,
    Le jeune homme adoré des vierges de Syrie.
    ...

  • Crois-moi, pieux enfant, suis l'antique chemin.
    L'épée aux quillons droits d'où part la branche torse,
    Au poing d'un gentilhomme ardent et plein de force
    Est un faix plus léger qu'un rituel romain.

    Prends-la. L'Hercule d'or qui tiédit dans ta main,
    Aux doigts de tes aïeux ayant poli son torse,
    Gonfle plus fièrement, sous la splendide écorce,
    Les...

  • Jadis l'Ibère noir et le Gall au poil fauve
    Et le Garumne brun peint d'ocre et de carmin,
    Sur le marbre votif entaillé par leur main,
    Ont dit l'eau bienfaisante et sa vertu qui sauve.

    Puis les Imperators, sous le Venasque chauve,
    Bâtirent la piscine et le therme romain,
    Et Fabia Festa, par ce même chemin,
    A cueilli pour les Dieux la verveine ou la...

  • Oui, c'est au vieux Gallus qu'appartient l'héritage
    Que tu vois au penchant du coteau cisalpin ;
    La maison tout entière est à l'abri d'un pin
    Et le chaume du toit couvre à peine un étage.

    Il suffit pour qu'un hôte avec lui le partage.
    Il a sa vigne, un four à cuire plus d'un pain,
    Et dans son potager foisonne le lupin.
    C'est peu ? Gallus n'a pas...

  • Sur le roc calciné de la dernière rampe
    Où le flux volcanique autrefois s'est tari,
    La graine que le vent au haut Gualatieri
    Sema, germe, s'accroche et, frêle plante, rampe.

    Elle grandit. En l'ombre où sa racine trempe,
    Son tronc, buvant la flamme obscure, s'est nourri ;
    Et les soleils d'un siècle ont longuement mûri
    Le bouton colossal qui fait...

  • Tel, nu, sordide, affreux, nourri des plus vils mets,
    Esclave - vois, mon corps en a gardé les signes -
    Je suis né libre au fond du golfe aux belles lignes
    Où l'Hybla plein de miel mire ses bleus sommets.

    J'ai quitté l'île heureuse, hélas !... Ah ! si jamais
    Vers Syracuse et les abeilles et les vignes
    Tu retournes, suivant le vol vernal des cygnes,
    Cher...

  • Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude,
    Tout dort sous les grands bois accablés de soleil
    Où le feuillage épais tamise un jour pareil
    Au velours sombre et doux des mousses d'émeraude.

    Criblant le dôme obscur, Midi splendide y rôde
    Et, sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil,
    De mille éclairs furtifs forme un réseau vermeil
    Qui s'...