• L'aube d'un jour sinistre a blanchi les hauteurs.
    Le camp s'éveille. En bas roule et gronde le fleuve
    Où l'escadron léger des Numides s'abreuve.
    Partout sonne l'appel clair des buccinateurs.

    Car malgré Scipion, les augures menteurs,
    La Trebbia débordée, et qu'il vente et qu'il pleuve,
    Sempronius Consul, fier de sa gloire neuve,
    A fait lever la hache et...

  • Le semoir, la charrue, un joug, des socs luisants,
    La herse, l'aiguillon et la faulx acérée
    Qui fauchait en un jour les épis d'une airée,
    Et la fourche qui tend la gerbe aux paysans ;

    Ces outils familiers, aujourd'hui trop pesants,
    Le vieux Parmis les voue à l'immortelle Rhée
    Par qui le germe éclôt sous la terre sacrée.
    Pour lui, sa tâche est faite ; il...

  • Pour que le compagnon des Naïades se plaise
    A rendre la brebis agréable au bélier
    Et qu'il veuille par lui sans fin multiplier
    L'errant troupeau qui broute aux berges du Galèse ;

    Il faut lui faire fête et qu'il se sente à l'aise
    Sous le toit de roseaux du pâtre hospitalier ;
    Le sacrifice est doux au Démon familier
    Sur la table de marbre ou sur un bloc...

  • Le choc avait été très rude. Les tribuns
    Et les centurions, ralliant les cohortes,
    Humaient encor dans l'air où vibraient leurs voix fortes
    La chaleur du carnage et ses âcres parfums.

    D'un oeil morne, comptant leurs compagnons défunts,
    Les soldats regardaient, comme des feuilles mortes,
    Au loin, tourbillonner les archers de Phraortes ;
    Et la sueur...

  • Mihi corolla picta vere ponitur.
    CATULLE.

    Entre donc. Mes piliers sont fraîchement crépis,
    Et sous ma treille neuve où le soleil se glisse
    L'ombre est plus douce. L'air embaume la mélisse.
    Avril jonche la terre en fleur d'un frais tapis.

    Les saisons tour à tour me parent : blonds épis,
    Raisins mûrs, verte olive ou printanier calice ;
    Et...

  • Le Garumne a bâti sa rustique maison
    Sous un grand hêtre au tronc musculeux comme un torse
    Dont la sève d'un Dieu gonfle la blanche écorce.
    La forêt maternelle est tout son horizon.

    Car l'homme libre y trouve, au gré de la saison,
    Les faînes, le bois, l'ombre et les bêtes qu'il force
    Avec l'arc ou l'épieu, le filet ou l'amorce,
    Pour en manger la...

  • J'ai vu parfois, ayant tout l'azur pour émail,
    Les nuages d'argent et de pourpre et de cuivre,
    A l'Occident où l'oeil s'éblouit à les suivre,
    Peindre d'un grand blason le céleste vitrail.

    Pour cimier, pour supports, l'héraldique bétail,
    Licorne, léopard, alérion ou guivre,
    Monstres, géants captifs qu'un coup de vent délivre,
    Exhaussent leur...

  • Qu'il soit encourtiné de brocart ou de serge,
    Triste comme une tombe ou joyeux comme un nid,
    C'est là que l'homme naît, se repose et s'unit,
    Enfant, époux, vieillard, aïeule, femme ou vierge.

    Funèbre ou nuptial, que l'eau sainte l'asperge
    Sous le noir crucifix ou le rameau bénit,
    C'est là que tout commence et là que tout finit,
    De la première...

  • Certe, il était hanté d'un tragique tourment,
    Alors qu'à la Sixtine et loin de Rome en fêtes,
    Solitaire, il peignait Sibylles et Prophètes
    Et, sur le sombre mur, le dernier jugement.

    Il écoutait en lui pleurer obstinément,
    Titan que son désir enchaîne aux plus hauts faîtes,
    La Patrie et l'Amour, la Gloire et leurs défaites ;
    Il songeait que tout...

  • Les pins du bois natal que charmait ton haleine
    N'ont pas brûlé ta chair, ô malheureux ! Tes os
    Sont dissous, et ton sang s'écoule avec les eaux
    Que les monts de Phrygie épanchent vers la plaine.

    Le jaloux Citharède, orgueil du ciel hellène,
    De son plectre de fer a brisé tes roseaux
    Qui, domptant les lions, enseignaient les oiseaux ;
    Il ne reste plus...