• Vivant, cet homme était une âme basse & vile :
    Il avait insulté, calomnié, menti,
    Vendu sa conscience & trahi son parti ;
    Ses mains gardaient le sang de la guerre civile.

    Rien n’avait fatigué sa lâcheté servile.
    Le mépris sur son nom s’était apesanti,
    Et, debout sous la honte, il n’avait rien senti.
    Nul ne saluait plus l’infâme par la ville....

  • Chaque être est, dans le tout, un exemplaire unique :
    Avant, rien de semblable ; après, rien de pareil !
    Et chaque fois que Dieu crée & se communique,
    C’est un enfantement, ce n’est pas un réveil.

    Dans sa mobilité partout la vie abonde,
    Sans pouvoir revenir au chemin parcouru ;
    On ne remplace pas un ciron dans le monde :
    L’être est irréparable,...

  • Malheur à qui, tournant l’angle d’un carrefour,
    Insouciant, sourit en coudoyant le vice !
    Il faut qu’un noble cœur se révolte & frémisse,
    Quand, le soir, apparaît le spectre de l’amour.

    Il faut que l’âme honnête aspire à ce beau jour.
    Où finira l’immonde & navrant sacrifice ;
    Où la fille du peuple, arrachée au supplice,
    Sans effort marchera...

  • Mon esprit, comme un somnambule,
    Hante la crête des grands murs.
    Mes pas jamais ne sont plus sûrs
    Qu’au bord des toits où je circule.

    Dans les ténèbres je vois clair :
    Les yeux sont clos, mais l’âme ouverte ;
    Et j’avance à la découverte
    Dans la molle épaisseur de l’air.

    Je ne vois rien que ma pensée,
    Qui me guide infailliblement,
    Et...

  • La jeunesse en sa fleur première :
    L’orgueil farouche du devoir ;
    L’impatience de savoir,
    Jugeant courte une vie entière ;

    Tout ce qui parle de lumière ;
    Tout ce qui répugne à déchoir ;
    Tout ce qui peut germer d’espoir :
    Nous avons tout mis dans la bière !

    Jamais le bien, le vrai, le beau
    N’auraient trahi, dans le tombeau,
    Une âme à...

  • Vous me grondez, amis, de tant parler des morts !
    Ma voix, de jour en jour, traîne plus monotone :
    Tels, quand l’arbre a senti les rafales d’automne,
    Les rameaux dépouillés ont de plus sourds accords.

    J’en parle encor trop peu : c’est le seul de mes torts !
    Si je songeais à ceux dont le départ m’étonne,
    Combien je maudirais ma gaîté qui détonne !
    Le...

  • Donnez la même tombe aux deux êtres aimés :
    Qu’ils soient dans l’inconnu côte à côte enfermés !
    Ramenez, s’il est loin, celui que l’autre pleure.
    Un seul amour demande une seule demeure ;
    Et c’est une souffrance à torturer un mort,
    De ne point reposer au lit où l’autre dort !
    La matière en révolte elle-même réclame ;
    Le corps aspire au corps ainsi que...

  • L’aïeul, tranquille à l’ombre, aime à lire un vieux livre,
    Quand le soleil du soir empourpre l’horizon ;
    L’active ménagère ordonne sa maison,
    Et se mire, en passant, dans les grands plats de cuivre ;

    Il faut aux bruns enfants que la chaleur enivre
    Des fruits qu’on se dispute assis sur le gazon ;
    Quand viennent les amis, dans la froide saison,
    Il leur...