• Le chêne est vieux ; les ans, les vents & le tonnerre
    Ont fait brèche à son front quatre fois centenaire.
    Squelette immense, au loin, dans la brume des soirs,
    Il tord sous un ciel gris ses bras noueux & noirs ;
    Sur ses minces rameaux tremble un feuillage rare ;
    Le prodigue printemps pour lui s’est fait avare ;
    Dans le concert de juin il se tait, il...

  • Alpes ! forêts, glaciers ruisselants de lumière,
    Sources des grandes eaux où j’ai bu si souvent,
    Sommets ! libres autels où, dans ma foi première,
    J’ai respiré, senti, touché le Dieu vivant ;

    Où la terre a pour moi dénoué sa ceinture,
    Où, dans ses bois obscurs, j’ai rencontré le jour ;
    Où mon cœur s’enivrait, aux bras de la nature,
    D’un mélange sacré...

  • Nommez votre pays de ce nom : la patrie !
    Après celui de Dieu, c’est le nom du devoir.
    Prononcez-le toujours avec idolâtrie,
    Ce nom qui vous oblige au combat, à l’espoir.

    Si quelqu’un, se disant le citoyen du monde,
    Insulte à votre amour du haut de sa raison,
    Ce mot : l’Humanité, sur sa lèvre inféconde...

  •  
    Novembre a mis, comme un suaire,
    Sa longue robe de brouillards ;
    Le soleil, dans nos cieux blafards,
    Semble une lampe mortuaire.

    Les feuilles pendent en haillons
    Au noir squelette de la vigne,
    Et, là-bas, fument des sillons
    Près de ces tombeaux qu’on aligne.

    Le semeur, en grand appareil,
    Donne au champ la façon dernière ;
    ...

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    CHANT DU COQ

    Levez-vous, moissonneurs, alerte !
    Le coq a chanté sur le toit.
    D’ombre encor la plaine est couverte,
    Mais l’aube vient, le coq la voit ;
    Quittez vos lits de mousse verte.
    Alerte, moissonneurs, alerte !
    Le coq a chanté sur le toit.

    Le coq, horloge de la grange,
    Sent marcher l’heure et le soleil.
    Avant que l’...

  •  
    Oui, l’austère amitié qui te lie aux grands chênes,
    Ce charme du désert qui t’enivre toujours,
    S’ils t’ont fait ignorer nos calculs et nos haines,
    Ont agrandi ton cœur pour les nobles amours.

    Quand tu disais : Mon frère ! à l’arbre sans culture ;
    Quand les oiseaux du ciel venaient baiser tes mains,
    O toi qui pour famille avais pris la nature,
    ...

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    — « Où donc la Muse ? Où survit-elle
    À tous les dieux qui ne sont plus ?
    Où donc sa retraite immortelle
    Ouverte à de rares élus ?

    Faut-il l’attendre auprès des hommes,
    Aux lieux que j’aime, où j’ai souffert ?
    Loin, bien loin du monde où nous sommes,
    Faut-il la chercher au désert ? » —

    Partout, chez l’homme et dans les choses,
    Sur...

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    I

    Jésus, fertilisant de ses sueurs divines
    L’héritage où mûrit sa couronne d’épines,
    Fait l'œuvre de son père ; et, comme il est écrit,
    Passe dans Israël sans asile et proscrit ;
    Travaillant dans les pleurs : des miracles qu’il sème,
    Des bénédictions payé par l’anathème ;
    Se lassant à guérir, dans le flot baptismal,
    Les péchés de la...

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    I

    En ce temps-là, ce fut une joie infinie
    Chez tous les habitants du bourg de Béthanie :
    Un pasteur avait vu, loin des chemins foulés,
    Des voyageurs pensifs venir le long des blés,
    Et, courant le premier, à la foule jalouse
    Il avait annoncé le Seigneur et les Douze.
    Or, comme aux jours anciens, par les vieillards rangé,
    Le peuple s’...

  •  
    Petite fleur, sur ma fenêtre,
    Dans ce champ long d’un demi-pas,
    Fleuris pour consoler ton maître
    Du grand jardin que je n’ai pas.

    Lorsque accoudé sur mon pupitre,
    Tout à coup je vois, en rêvant,
    Le soleil qui dore ma vitre
    Et ta tige qui tremble au vent ;

    Quand je t’arrose feuille à feuille,
    Quand, pour t’admirer de plus près,...