• La rue assourdissante autour de moi hurlait.
    Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
    Une femme passa, d'une main fastueuse
    Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

    Agile et noble, avec sa jambe de statue.
    Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
    Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
    La douceur qui fascine et le plaisir qui...

  • La Nature est un temple où de vivants piliers
    Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
    L'homme y passe à travers des forêts de symboles
    Qui l'observent avec des regards familiers.

    Comme de longs échos qui de loin se confondent
    Dans une ténébreuse et profonde unité,
    Vaste comme la nuit et comme la clarté,
    Les parfums, les couleurs et les sons se...

  • Entre tant de beautés que partout on peut voir,
    Je comprends bien, amis, que le désir balance ;
    Mais on voit scintiller en Lola de Valence
    Le charme inattendu d'un bijou rose et noir

  • Le regard singulier d'une femme galante
    Qui se glisse vers nous comme le rayon blanc
    Que la lune onduleuse envoie au lac tremblant,
    Quand elle y veut baigner sa beauté nonchalante ;

    Le dernier sac d'écus dans les doigts d'un joueur ;
    Un baiser libertin de la maigre Adeline ;
    Les sons d'une musique énervante et câline,
    Semblable au cri lointain de l'...

  • Je n'ai pas oublié, voisine de la ville,
    Notre blanche maison, petite mais tranquille ;
    Sa Pomone de plâtre et sa vieille Vénus
    Dans un bosquet chétif cachant leurs membres nus,
    Et le soleil, le soir, ruisselant et superbe,
    Qui, derrière la vitre où se brisait sa gerbe,
    Semblait, grand oeil ouvert dans le ciel curieux,
    Contempler nos dîners longs et...

  • Tout là-haut, tout là-haut, loin de la route sûre,
    Des fermes, des vallons, par delà les coteaux,
    Par delà les forêts, les tapis de verdure,
    Loin des derniers gazons foulés par les troupeaux,

    On rencontre un lac sombre encaissé dans l'abîme
    Que forment quelques pics désolés et neigeux ;
    L'eau, nuit et jour, y dort dans un repos sublime,
    Et n'...

  • A Ernest Christophe

    Fière, autant qu'un vivant, de sa noble stature,
    Avec son gros bouquet, son mouchoir et ses gants,
    Elle a la nonchalance et la désinvolture
    D'une coquette maigre aux airs extravagants.

    Vit-on jamais au bal une taille plus mince ?
    Sa robe exagérée, en sa royale ampleur,
    S'écroule abondamment sur un pied sec que pince
    ...

  • Ta tête, ton geste, ton air
    Sont beaux comme un beau paysage ;
    Le rire joue en ton visage
    Comme un vent frais dans un ciel clair.

    Le passant chagrin que tu frôles
    Est ébloui par la santé
    Qui jaillit comme une clarté
    De tes bras et de tes épaules.

    Les retentissantes couleurs
    Dont tu parsèmes tes toilettes
    Jettent dans l'esprit des...

  • Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures
    Les persiennes, abri des secrètes luxures,
    Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés
    Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,
    Je vais m'exercer seul à ma fantasque escrime,
    Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,
    Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,
    Heurtant parfois des...

  • Pour soulever un poids si lourd,
    Sisyphe, il faudrait ton courage !
    Bien qu'on ait du coeur à l'ouvrage,
    L'Art est long et le Temps est court.

    Loin des sépultures célèbres,
    Vers un cimetière isolé,
    Mon coeur, comme un tambour voilé,
    Va battant des marches funèbres.

    - Maint joyau dort enseveli
    Dans les ténèbres et l'oubli,
    Bien loin...