• Ô que tu es heureux, si tu connais ton heur,
    D'être échappé des mains de cette gent cruelle,
    Qui sous un faux semblant d'amitié mutuelle
    Nous dérobe le bien, et la vie, et l'honneur !

    Où tu es, mon Dagaut, la secrète rancoeur,
    Le soin qui comme une hydre en nous se renouvelle,
    L'avarice, l'envie, et la haine immortelle
    Du chétif courtisan n'...

  • Que dirons-nous, Melin, de cette cour romaine,
    Où nous voyons chacun divers chemins tenir,
    Et aux plus hauts honneurs les moindres parvenir,
    Par vice, par vertu, par travail, et sans peine ?

    L'un fait pour s'avancer une dépense vaine,
    L'autre par ce moyen se voit grand devenir,
    L'un par sévérité se sait entretenir,
    L'autre gagne les coeurs par sa...

  • Cependant qu'au palais de procès tu devises,
    D'avocats, procureurs, présidents, conseillers,
    D'ordonnances, d'arrêts, de nouveaux officiers,
    De juges corrompus, et de telles surprises :

    Nous devisons ici de quelques villes prises,
    De nouvelles de banque, et de nouveaux courriers
    De nouveaux cardinaux, de mules, d'estafiers,
    De chapes, de rochets, de...

  • Qui a vu quelquefois un grand chêne asséché,
    Qui pour son ornement quelque trophée porte,
    Lever encore au ciel sa vieille tête morte,
    Dont le pied fermement n'est en terre fiché,

    Mais qui dessus le champ plus qu'à demi penché
    Montre ses bras tout nus et sa racine torte,
    Et sans feuille ombrageux, de son poids se supporte
    Sur un tronc nouailleux en cent...

  • Ores, plus que jamais, me plaît d'aimer la Muse
    Soit qu'en français j'écrive ou langage romain,
    Puisque le jugement d'un prince tant humain
    De si grande faveur envers les lettres usé.

    Donc le sacré métier où ton esprit s'amuse
    Ne sera désormais un exercice vain,
    Et le tardif labeur que nous promet ta main
    Désormais pour Francus n'aura plus nulle excuse...

  • Qui niera, Gillebert, s'il ne veut résister
    Au jugement commun, que le siège de Pierre
    Qu'on peut dire à bon droit un paradis en terre,
    Aussi bien que le ciel, n'ait son grand Jupiter ?

    Les Grecs nous ont fait l'un sur Olympe habiter,
    Dont souvent dessus nous ses foudres il desserre :
    L'autre du Vatican délâche son tonnerre,
    Quand quelque roi l'a...

  • Si tu ne sais, Morel, ce que je fais ici,
    Je ne fais pas l'amour ni autre tel ouvrage :
    Je courtise mon maître, et si fais davantage,
    Ayant de sa maison le principal souci.

    Mon Dieu (ce diras-tu), quel miracle est-ce ci,
    Que de voir Du Bellay se mêler du ménage
    Et composer des vers en un autre langage ?
    Les loups et les agneaux s'accordent tout ainsi....

  • Panjas, veux-tu savoir quels sont mes passe-temps ?
    Je songe au lendemain, j'ai soin de la dépense
    Qui se fait chacun jour, et si faut que je pense
    A rendre sans argent cent créditeurs contents.

    Je vais, je viens, je cours, je ne perds point le temps,
    Je courtise un banquier, je prends argent d'avance :
    Quand j'ai dépêché l'un, un autre recommence,
    Et...

  • Dedans le ventre obscur, où jadis fut enclos
    Tout cela qui depuis a rempli ce grand vide,
    L'air, la terre, et le feu, et l'élément liquide,
    Et tout cela qu'Atlas soutient dessus son dos,

    Les semences du Tout étaient encore en gros,
    Le chaud avec le sec, le froid avec l'humide,
    Et l'accord, qui depuis leur imposa la bride,
    N'avait encore ouvert la...

  • Tu sois la bienvenue, ô bienheureuse trêve !
    Trêve que le chrétien ne peut assez chanter,
    Puisque seule tu as la vertu d'enchanter
    De nos travaux passés la souvenance grève.

    Tu dois durer cinq ans : et que l'envie en crève :
    Car si le ciel bénin te permet enfanter
    Ce qu'on attend de toi, tu te pourras vanter
    D'avoir fait une paix qui ne sera si brève...