Par les plaines de mon âme, tournée au Nord,
Le vieux berger des novembres mornes, il corne,
Debout, comme un malheur, au seuil du bercail morne,
Il corne au loin l'appel des brebis de la mort.
L'étable est faite en moi avec mon vieux remord,
Au fond de mes pays de tristesse sans borne,
Par les plaines de mon âme, qu'une viorne,
Lasse de ses flots...
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Le printemps jeune et bénévole
Qui vêt le jardin de beauté
Elucide nos voix et nos paroles
Et les trempe dans sa limpidité.
La brise et les lèvres des feuilles
Babillent, et lentement effeuillent
En nous les syllabes de leur clarté.
Mais le meilleur de nous se gare
Et fuit les mots matériels ;
Un simple et doux élan muet
Mieux... -
Bien que flasque et geignant et si pauvre ! si morne !
Si las! Redresse-toi, de toi-même vainqueur ;
Lève ta volonté qui choit contre la borne
Et sursaute, debout, rosse à terre, mon c?ur !
Exaspère sinistrement ta toute exsangue
Carcasse et pousse au vent, par des chemins rougis
De sang, ta course ; et flaire et lèche avec ta langue
Ta plaie, et lutte... -
Je les ai vus, je les ai vus,
Ils passaient, par les sentes,
Avec leurs yeux, comme des fentes,
Et leurs barbes, comme du chanvre.
Deux bras de paille,
Un dos de foin,
Blessés, troués, disjoints,
Ils s'en venaient des loins,
Comme d'une bataille.
Un chapeau mou sur leur oreille,
Un habit vert comme l'oseille ;
Ils étaient deux... -
Au carrefour des abattoirs et des casernes,
Il apparaît, foudroyant et vermeil,
Le sabre en bel éclair dans le soleil.
Masque d'airain, bicorne d'or ;
Et l'horizon, là-bas, où le combat se tord,
Devant ses yeux hallucinés de gloire !
Un élan fou, un bond brutal
Jette en avant son geste et son cheval
Vers la victoire.
Il est volant... -
Je suis l'halluciné de la forêt des Nombres,
Le front fendu, d'avoir buté,
Obstinément, contre leur fixité.
Arbres roides dans le sol clair
Et ramures en sillages d'éclair
Et fûts comme un faisceau de lances
Et rocs symétriques dans l'air,
Blocs de peur et de silence.
Là-haut, le million épars des diamants
Et les regards, aux... -
Dans les bouges fumeux où pendent des jambons,
Des boudins bruns, des chandelles et des vessies,
Des grappes de poulets, des grappes de dindons,
D'énormes chapelets de volailles farcies,
Tachant de rose et blanc les coins du plafond noir,
En cercle, autour des mets entassés sur la table,
Qui saignent, la fourchette au flanc dans un tranchoir,
Tous ceux... -
Ongles de feu, cierges ! - Ils s'allument, les soirs,
Doigts mystiques dressés sur des chandeliers d'or,
A minces et jaunes flammes, dans un décor
Et de cartels et de blasons et de draps noirs.
Ils s'allument dans le silence et les ténèbres,
Avec le grésil bref et méchant de leur cire,
Et se moquent - et l'on croirait entendre rire
Les prières... -
Et maintenant que sont tombés les hauts feuillages
Qui tenaient le jardin sous leur ombre abrité,
On voit, à travers le branchage à nu, monter
Là-bas, vers l'horizon, les toits des vieux villages.
Tant que l'été darda sa joie, aucun de nous
Ne les a vus groupés non loin de notre porte
Mais aujourd'hui que fleurs et que feuilles sont mortes
Nous y... -
Bien que déjà, ce soir
L'automne
Laisse aux sentes et aux orées,
Comme des mains dorées,
Lentes, les feuilles choir,
Bien que déjà l'automne,
Ce soir, avec ses bras de vent,
Moissonne,
Sur les rosiers fervents
Les pétales et leur pâleur,
Ne laissons rien de nos deux âmes
Tomber soudain avec ces fleurs.
Mais tous les deux, autour...