• Sonnet

    Quelque si doux espoir où ma raison s'appuie,
    Un mal si découvert ne se saurait cacher ;
    J'emporte malheureux, quelque part où je fuie,
    Un trait qu'aucun secours ne me peut arracher.

    Je viens dans un désert mes larmes épancher,
    Où la terre languit, où le Soleil s'ennuie,
    Et d'un torrent de pleurs qu'on ne peut étancher
    Couvre l'...

  • J'estois prest d'encourir pour jamais quelque blasme,
    De colere eschaufé, mon courage brusloit,
    Ma fole voix au gré de ma fureur branloit,
    Je despitois les Dieux, et encores Madame,

    Lors qu'elle, de loing, jecte un brefuet dans ma flamme :
    Je le sentis soudain comme il me rabilloit,
    Qu'aussi tost devant lui ma fureur s'en alloit,
    Qu'il me rendoit,...

  • J'eusse été citoyen de quelque république
    Songe de Pythagore, oeuvre d'un Dorien,
    Harmonieux état réglé par la musique,
    Où la loi se conforme au rythme aérien.

    Puis, dans une agora, j'aurais avec ivresse
    Admiré longuement les poses et les sons
    De ces beaux orateurs dont la phrase caresse
    L'oreille inattentive aux rigides leçons,

    Et...

  • Quand Philis chaque jour inventait quelque outrage
    Pour troubler mes désirs et mon contentement,
    Il semblait qu'à l'envi d'un si rude tourment
    Mon amour augmentait sa fureur et sa rage.

    Maintenant que le ciel a calmé cet orage,
    Qu'elle brûle pour moi d'un vif embrasement,
    Les visibles ardeurs de son feu véhément,
    Au lieu de m'enflammer, me glacent le...

  • Dans quelque ville morte, au bord de l'eau, vivote
    La tristesse de la vieillesse des maisons
    A genoux dans l'eau froide et comme en oraisons ;
    Car les vieilles maisons ont l'allure dévote,

    Et, pour endurer mieux les chagrins qu'elles ont,
    Egrènent les pieux carillons qui leur sont
    Les grains de fer intermittents d'un grand rosaire.
    Vieilles maisons, en...

  • Quelque lieu, quelque amour, quelque loi qui t'absente,
    Et ta déité tâche ôter de devant moi,
    Quelque oubli qui, contraint de lieu, d'amour, de loi,
    Fasse qu'en tout absent de ton coeur je me sente,

    Tu m'es, tu me seras sans fin pourtant présente
    Par le nom, par l'effet fatal qui est en toi,
    Par tout tu es Diane, en tout rien je ne vois,
    Qui mon...

  • De quelque autre sujet que j'écrive, Jodelle,
    Je sens mon coeur transi d'une morne froideur,
    Et ne sens plus en moi cette divine ardeur
    Qui t'enflamme l'esprit de sa vive étincelle.

    Seulement quand je veux toucher le los de celle
    Qui est de notre siècle et la perle et la fleur,
    Je sens revivre en moi cette antique chaleur,
    Et mon esprit lassé...

  • Comme un qui veut curer quelque cloaque immonde,
    S'il n'a le nez armé d'une contresenteur,
    Étouffé bien souvent de la grand puanteur
    Demeure enseveli dans l'ordure profonde :

    Ainsi le bon Marcel ayant levé la bonde,
    Pour laisser écouler la fangeuse épaisseur
    Des vices entassés, dont son prédécesseur
    Avait six ans devant empoisonné le monde

    Se...