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    Ô poète insensé, tu pends un fil de lyre
                  À tout ce que tu vois,
    Et tu dis : « Penchez-vous, écoutez, tout respire ! »
                  Hélas ! non, c’est ta voix.

    Les fleurs n’ont pas d’haleine ; un souffle errant qui passe
                  Emporte leurs senteurs,
    Et jamais ce soupir n’a demandé leur grâce
                  Aux hivers...

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    Montez, montez, oiseaux, à la fange rebelles,
          Du poids fatal les seuls vainqueurs !
    A vous le jour sans ombre et l’air, à vous les ailes
    Qui font planer les yeux aussi haut que les cœurs !

    Des plus parfaits vivants qu’ait formés la nature,
    Lequel plus aisément plane sur les forêts,
    Voit mieux se...

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    Sur un chemin qu’entoure le néant,
    Dans des pays que nul verbe ne nomme,
    Chaque astre, mû par des bras de géant,
    Roule, poussé comme un roc par un homme.

    Terres sans nombre, étoiles et soleils,
    Tous, prisonniers d’orbites infinies,
    Rouges ou bleus, ténébreux ou vermeils,
    Vont lourdement sous l’effort des Génies.

    On voit marcher en...

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    Son heureux fiancé l’attend, moi je me cache.
    Elle vient ; je l’épie, en murmurant tout bas
    Ce reproche, le seul que son oubli m’arrache :
                — Vous ne m’aimiez donc pas ?

    Les voici tous les deux : ils vont l’un près de l’autre...

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    I

    O Voluptés, salut ! une longue injustice
    Vous accuse d’emplir les enfers de damnés,
    Fait sonner votre nom comme le nom du vice
    Et ne l’inscrit jamais que sur des fronts fanés ;
    Et nous vous bénissons, reines des jeunes hommes ;
    Si nous rêvons un ciel, c’est en vous embrassant,
    Et vous nous laissez purs, ennoblis que nous sommes
    Par la...

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    Je revenais du Louvre hier.
    J’avais parcouru les portiques
    Où le chœur des Vénus antiques
    Se range gracieux et fier.

    À ces marbres, divins fossiles,
    Délices de l’œil étonné,
    Je trouvais bon qu’il fût donné
    Des palais de...

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    Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
    Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ;
    Ils dorment au fond des tombeaux,
    Et le soleil se lève encore.

    Les nuits, plus douces que les jours,
    Ont enchanté des yeux sans nombre ;
    Les...

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    Un oiseau solitaire aux bizarres couleurs
    Est venu se poser sur une enfant ; mais elle,
    Arrachant son plumage où le prisme étincelle,
    De toute sa parure elle fait des douleurs ;

    Et le duvet moelleux, plein d’intimes chaleurs,
    Épars, flotte au doux vent d’une bouche cruelle.
    Or l’oiseau, c’est mon cœur ; l’enfant coupable est celle,
    Celle dont...

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    Quand, pourpre de plaisir, Mars en tes bras faiblit,
    Ô Vénus, et, laissant retomber son grand buste,
    Livre au coussin sa tête olympienne et fruste,
    Il s’endort, brute et dieu, ton égal en ton lit.

    Mais, ni brute ni Dieu, l’homme y veille et pâlit.
    À cet amant jamais ta couche ne s’ajuste :
    Son front et le chevet, comme au lit de Procuste,
    Y...

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    Du bonheur qu’ils rêvaient toujours pur et nouveau
    Les couples exaucés ne jouissent qu’une heure.
    Moins ému, leur baiser ne sourit ni ne pleure ;
    Le nid de leur tendresse en devient le tombeau.

    Puisque l’œil assouvi se fatigue du beau,
    Que la lèvre en jurant un long culte se leurre,
    Que des printemps d’amour le lis, dès qu’on l’effleure,
    Où...