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    Nous sommes les Ingénues
    Aux bandeaux plats, à l’œil bleu,
    Qui vivons, presque inconnues,
    Dans les romans qu’on lit peu.

    Nous allons entrelacées,
    Et le jour n’est pas plus pur
    Que le fond de nos pensées,
    Et nos rêves sont d’azur ;

    Et nous courons par les prés
    Et rions et babillons
    Des aubes jusqu’aux vesprées,
    Et...

  • Faut-il donc que ce petit livre
    Où plein d’espoir chante l’Amour,
    Te trouve souffrante en ce jour,
    Toi, pour qui seule je veux vivre ?

    Faut il qu’au moment tant béni
    Ce mal affreux t’ait disputée
    A ma tendresse épouvantée
    Et de ton chevet m’ait banni ?

    — Mais puisque enfin sourit encore
    Après l’orage terminé
    L’avenir, le front...

  • Ecoutez la chanson bien douce
    Qui ne pleure que pour vous plaire,
    Elle est discrète, elle est légère :
    Un frisson d'eau sur de la mousse !

    La voix vous fut connue (et chère ?)
    Mais à présent elle est voilée
    Comme une veuve désolée,
    Pourtant comme elle encore fière,

    Et dans les longs plis de son voile,
    Qui palpite aux brises d'automne....

  • Ils me disent que tu es blonde
    Et que toute blonde est perfide,
    Même ils ajoutent " comme l'onde ".
    Je me ris de leur discours vide !
    Tes yeux sont les plus beaux du monde
    Et de ton sein je suis avide.

    Ils me disent que tu es brune,
    Qu'une brune a des yeux de braise
    Et qu'un coeur qui cherche fortune
    S'y brûle... Ô la bonne foutaise !...

  • Va, chanson, à titre-d'aile
    Au-devant d'elle, et dis-lui
    Bien que dans mon coeur fidèle
    Un rayon joyeux a lui,

    Dissipant, lumière sainte,
    Ces ténèbres de l'amour :
    Méfiance, doute, crainte,
    Et que voici le grand jour !

    Longtemps craintive et muette,
    Entendez-vous ? La gaîté,
    Comme une vive alouette,
    Dans le ciel clair a chanté...

  • Les sanglots longs
    Des violons
    De l'automne
    Blessent mon coeur
    D'une langueur
    Monotone.

    Tout suffocant
    Et blême, quand
    Sonne l'heure,
    Je me souviens
    Des jours anciens
    Et je pleure

    Et je m'en vais
    Au vent mauvais
    Qui m'emporte
    Deçà, delà,
    Pareil à la
    Feuille morte.