Je n'emporte avec moi sur la mer sans retour
Qu'une rose cueillie à notre long amour.
J'ai tout quitté; mon pas laisse encore sur la grève
Empreinte au sable insoucieux sa trace brève
Et la mer en montant aura vite effacé
Ce vestige incertain qu'y laissa mon passé.
Partons! que l'âpre vent en mes voiles tendues
Souffle et m'entraîne...
Je ne vous parlerai que lorsqu’en l’eau profonde
Votre visage pur se sera reflété
Et lorsque la fraîcheur fugitive de l’onde
Vous aura dit le peu que dure la beauté.
Il faudra que vos mains pour en être odorantes,
Aient cueilli le bouquet des heures et, tout bas,
Qu’en ayant respiré les âmes différentes
Vous soupiriez encore et ne souriiez pas...
Les hauts buis d’alentour bordent un rond-point d’eau.
Aux angles du bassin, devant leurs ombres graves,
La Déesse aux yeux durs et le Dieu aux yeux caves
Tiennent l’un le trident et l’autre le marteau.
Au centre, enseveli dans un vivant tombeau,
Un Encelade tord, sous l’amas noir des laves,
Son gigantesque corps qui, nu dans ses entraves,
...
Pour que ton rire pur, jeune, tendre et léger,
S’épanouisse en fleur sonore,
Il faut qu’avril verdisse aux pousses du verger,
Plus vertes d’aurore en aurore,
Il faut que l’air égal annonce le printemps
Et que la première hirondelle
Rase d’un vol aigu les roseaux de l’étang
Qui...
Une dernière fois reviens en mes pensées,
O jeunesse aux yeux clairs,
Et, dans mes mains encor, pose tes mains glacées.
Le soir parfume l’air.
Souviens-toi des matins où tous deux, côte à côte,
Notre ombre nous suivant,
Sur le sable fragile et parmi l’herbe haute
Nous allions dans le vent.
Ce que je veux de toi,
ce n’est pas, ô...
Toute la Gloire avec le glaive et l’étrier,
Et la terre qui saigne et la mer qui écume,
Le feutre balayant le parquet de sa plume,
La Puissance et l’Amour, la rose et le laurier,
De ce songe royal et de ce bruit guerrier,
Soleil d’or qui s’efface ébloui dans la brume,
Il ne reste que l’œuvre anonyme et posthume
Du marteau d’un sculpteur dans...
Glorieuse, monumentale et monotone,
La façade de pierre effrite au vent qui passe
Son chapiteau friable et sa guirlande lasse
En face du parc jaune où s’accoude l’Automne.
Au médaillon de marbre où Pallas la couronne,
La double lettre encor se croise et s’entrelace ;
A porter le balcon l’Hercule se harasse ;
La fleur de lys s’effeuille au...
Le dauphin, le triton et l’obèse grenouille
Diamantant d’écume et d’or Latone nue,
Divinité marine au dos de la tortue,
Dieu fluvial riant de l’eau qui le chatouille ;
La vasque qui retombe ou la gerbe qui mouille,
La nappe qui décroît, se gonfle ou diminue,
Et la poussière humide irisant la statue
Dont s’emperle la mousse ou s’avive la...
Ta robe lente, pas à pas, soulève et traîne
Un bruit de feuilles d’or et de roses fanées,
Et dans le crépuscule où finit la journée
L’automne est las d’avoir entendu les fontaines.
Si tu passes le long des eaux vastes et vaines,
La statue, anxieuse et la tête inclinée
Écoutant dans l’écho le pas de l’autre Année,
Ne te reconnaît plus et te...
Ne crois pas, ô passant, à me voir, quand tu passes,
Les mains vides, assis à mon seuil où s’enlace,
Au-dessus de ma tête et de mes cheveux blancs,
A soi-même le lierre égal et permanent,
Que je ne sache plus que la terre éternelle,
De saisons en saisons toujours se renouvelle.
Je n’ignore pas plus ces choses qu’autrefois
Quand, pour louer les...