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    Ton sourire infini m’est cher
    Comme le divin pli des ondes,
    Et je te crains quand tu me grondes,
               Comme la mer.

    L’azur de tes grands yeux m’est cher :
    C’est un lointain que je regarde
    Sans cesse et sans y prendre garde,
               Un ciel de mer.

    Ton courage léger m’est cher :
    C’est un souffle vif où ma vie
    S’...

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    La nuit claire bleuit les feuillages tremblants,
    Pose un crêpe mouillé sur les roses bruyères,
    Fait luire les talus comme des linges blancs,
    Baigne les ravins d’ombre, et d’azur les clairières.

    Dans son nimbe nacré la lune resplendit,
    Large et lente, effaçant les profondes étoiles ;
    La colline se hausse et le vallon grandit ;
    L’air froissé d’...

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    Pour vivre indépendant et fort
    Je me prépare au suicide ;
    Sur l’heure et le lieu de ma mort
    Je délibère et je décide.

    Mon cœur à son hardi désir
    Tour à tour résiste et succombe : .
    J’éprouve un surhumain plaisir
    A me balancer sur ma tombe.

    Je m’assieds le plus près du bord
    Et m’y penche à perdre équilibre ;
    Arbitre absolu de...

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    À l’Air, le dieu puissant qui soulève les ondes
                 Et fouette les hivers,
    À l’Air, le dieu léger qui rend les fleurs fécondes
                 Et sonores les vers,
    Salut ! C’est le grand dieu dont la robe flottante
                 Fait le ciel animé ;
    Et c’est le dieu furtif qui murmure à l’amante :
                 « Voici le bien-aimé. »...

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    Deux hommes sont montés sur la haute falaise ;
    Ils ont fermé les yeux pour écouter la mer :
    « J’entends le paradis pousser des clameurs d’aise.
    Et moi j’entends gémir les foules de l’enfer. »

    Alors, épouvantés des songes de l’ouïe,
    Ils ont rouvert les yeux sous le même soleil.
    L’Océan sait parler, selon l’âme et la vie,
    Aux hommes différents...

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    Vierge, ton corps, luisant de la fraîcheur marine,
    Où l’apporta la vague est à peine arrêté.
    A tes mobiles bras, au pli de ta narine
    On devine ta race et ta divinité ;
    O fille de Nérée, on voit que ta poitrine
    Se polit au flot grec durant l’éternité.

    Ta bouche est plus qu’humaine, et tes vives prunelles
    Sont divines ! Leurs feux feraient mûrir...

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    Au bout du sombre Finistère,
    D’énormes rochers au pied noir
    Protègent contre l’eau la terre.
    On les entend parler le soir :

    « Hélas ! depuis combien d’années
    Brisons-nous l’onde au même lieu ?
    Toutes les pierres sont damnées,
    Les vivants seuls plaisent à Dieu.

    « Pour qui faisons-nous sentinelle ?
    Pour des favoris étrangers !...

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    Nous marchons : devant nous la poussière se lève,
    Elle reçoit nos pas et les ensevelit ;
    Mais l’espace nous suit sans rupture ni trêve :
    Il sait quel long voyage un seul homme accomplit.

    Tant de pieds ont déjà foulé la même place
    Que les grains du pavé ne les nombreraient pas.
    Si chaque homme après soi laissait partout sa trace,
    Quels bizarres...

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    Agite, bon cheval, ta crinière fuyante ;
    Que l’air autour de nous se remplisse de voix !
    Que j’entende craquer sous ta corne bruyante
    Le gravier des ruisseaux et les débris des bois ’.

    Aux vapeurs de tes flancs mêle ta chaude haleine,
    Aux éclairs de tes pieds ton écume et ton sang !
    Cours, comme on voit un aigle en effleurant la plaine
    ...

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    Le grand soleil, plongé dans un royal ennui,
    Brûle au désert des cieux. Sous les traits qu’en silence
    Il disperse et rappelle incessamment à lui,
    Le chœur grave et lointain des sphères se balance.

    Suspendu dans l’abîme il n’est ni haut ni bas ;
    Il ne prend d’aucun feu le feu qu’il communique ;
    Son regard...