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    Tes yeux bleus comme deux bluets
    Me suivaient dans l’herbe fanée
    Et près du lac aux joncs fluets
    Où la brise désordonnée
    Venait danser des menuets.

    Chère Ange, tu diminuais
    Les ombres de ma destinée,
    Lorsque vers moi tu remuais
    Tes yeux bleus.

    ...

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    Ce qui luit dans les yeux des vierges
    C’est un songe vague et tremblant,
    Un songe végétal et blanc
    Comme le nénuphar des berges.

    Tant que l’Amour, dans ses auberges,
    Ne leur sert que du vin troublant,
    Ce qui luit dans les yeux des vierges
    C’est un songe vague et tremblant.

    Mais du jour où tu les héberges,
    Ô Plaisir, hôtelier...

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    De ses grands yeux chastes et fous
    Il ne reste pas un vestige :
    Ces yeux qui donnaient le vertige
    Sont allés où nous irons tous.

    En vain, ils étaient frais et doux
    Comme deux bluets sur leur tige ;
    De ses grands yeux chastes et fous
    Il ne reste pas un vestige.

    Quelquefois, par les minuits roux
    Pleins de mystère et de prestige,...

  • Un jour qu'avec sollicitude
    Des habitants d'une cité
    L'avaient longuement exhorté :
    A sortir de sa solitude :

    " Qu'irais-je donc faire à la ville ?
    Dit le songeur au teint vermeil,
    Regardant mourir le soleil,
    D'un air onctueux et tranquille.

    Ici, de l'hiver à l'automne,
    Dans la paix des yeux, du cerveau,
    J'éprouve toujours de...

  • Des ruisseaux un déluge a fait de lourds torrents
    Qui roulent, pêle-mêle, écumeux, dévorant
    L'étendue, au travers des landes, des pacages,
    Et changeant en lacs fous les stagnants marécages.

    Mais l'eau dort plate autour d'un grand tertre escarpé,
    Tout hérissé de bois. Lent, le soir est tombé.
    Dans l'air mort, où s'ébauche un soupçon de tonnerre,
    ...

  • Béant, je regardais du seuil d'une chaumière
    De grands sites muets, mobiles et changeants,
    Qui, sous de frais glacis d'ambre, d'or et d'argent,
    Vivaient un infini d'espace et de lumière.

    C'étaient des fleuves blancs, des montagnes mystiques.
    Des rocs pâmés de gloire et de solennité,
    Des chaos engendrant de leur obscurité
    Des éblouissements de...

  • Toute mie, onduleuse et le torse vibrant,
    La fleur des lupanars, des tripots et des bouges
    Bouclait nonchalamment ses jarretières rouges
    Sur de très longs bas noirs d'un tissu transparent,

    Quand soudain sa victime eut ce cri déchirant
    "Je suis dans un brouillard qui bourdonne et qui bouge
    Mon oeil tourne et s'éteint! où donc es-tu, ma gouge ?
    Viens !...

  • Les nuits d'hiver quand le vent pleure,
    Se plaint, hurle, siffle et vagit,
    On ne sait quel drame surgit
    Dans l'homme ainsi qu'en la demeure.

    Sa grande musique mineure
    Qui, tour à tour, grince et mugit,
    Sur toute la pensée agit
    Comme une voix intérieure.

    Ces cris, cette clameur immense,
    Chantent la rage, la démence,
    La peur, le...

  • Après une chaleur si dure
    Tout se rafraîchit pour l'instant.
    La pluie est absorbée autant
    Par le roc que par la verdure.

    Terrains noirs, sillons bruns et roux,
    Prés et bois, les pentes, les trous,
    Toute la campagne qui songe
    S'en imbibe, la boit, l'éponge.

    Les pauvres herbes altérées,
    Les mousses du val, du coteau,
    La...

  • La biche brame au clair de lune
    Et pleure à se fondre les yeux :
    Son petit faon délicieux
    A disparu dans la nuit brune.

    Pour raconter son infortune
    A la forêt de ses aïeux,
    La biche brame au clair de lune
    Et pleure à se fondre les yeux.

    Mais aucune réponse, aucune,
    A ses longs appels anxieux !
    Et le cou tendu vers les cieux...