• Hélas ! je n'étais pas fait pour cette haine
    Et pour ce mépris plus forts que moi que j'ai.
    Mais pourquoi m'avoir fait cet agneau sans laine
    Et pourquoi m'avoir fait ce coeur outragé ?

    J'étais né pour plaire à toute âme un peu fière,
    Sorte d'homme en rêve et capable du mieux,
    Parfois tout sourire et parfois tout prière,
    Et toujours des cieux...

  • Le bruit des cabarets, la fange du trottoir,
    Les platanes déchus s'effeuillant dans l'air noir,
    L'omnibus, ouragan de ferraille et de boues,
    Qui grince, mal assis entre ses quatre roues,
    Et roule ses yeux verts et rouges lentement,
    Les ouvriers allant au club, tout en fumant
    Leur brûle-gueule au nez des agents de police,
    Toits qui dégouttent, murs suintants,...

  • Ce livre ira vers toi comme celui d'Ovide
    S'en alla vers la Ville.
    Il fut chassé de Rome ; un coup bien plus perfide
    Loin de mon fils m'exile.

    Te reverrai-je ? Et quel ? Mais quoi ! moi mort ou non,
    Voici mon testament :
    Crains Dieu, ne hais personne, et porte bien ton nom
    Qui fut porté dûment.

  • Vous êtes calme, vous voulez un voeu discret,
    Des secrets à mi-voix dans l'ombre et le silence,
    Le coeur qui se répand plutôt qu'il ne s'élance,
    Et ces timides, moins transis qu'il ne paraît.

    Vous accueillez d'un geste exquis telles pensées
    Qui ne marchent qu'en ordre et font le moins de bruit.
    Votre main, toujours prête à la chute du fruit,
    ...

  • Les longs rideaux de blanche mousseline
    Que la lueur pâle de la veilleuse
    Fait fluer comme une vague opaline
    Dans l'ombre mollement mystérieuse,

    Les grands rideaux du grand lit d'Adeline
    Ont entendu, Claire, ta voix rieuse,
    Ta douce voix argentine et câline
    Qu'une autre voix enlace, furieuse.

    " Aimons, aimons ! " disaient vos voix mêlées...

  • Le chagrin qui me tue est ironique, et joint
    Le sarcasme au supplice, et ne torture point
    Franchement, mais picote avec un faux sourire
    Et transforme en spectacle amusant mon martyre,
    Et, sur la bière où gît mon rêve mi-pourri,
    Beugle un De profundis sur l'air du Tradéri.
    C'est un Tartufe qui, tout en mettant des roses
    Pompons sur les autels des Madones...

  • Le poète est un fou perdu dans l'aventure,
    Qui rêve sans repos de combats anciens,
    De fabuleux exploits sans nombre qu'il fait siens,
    Puis chante pour soi-même et la race future.

    Plus tard, indifférent aux soucis qu'il endure,
    Pauvreté, gloire lente, ennuis élyséens,
    Il se prend en les lacs d'amours patriciens,
    Et son prénom est comme une arrhe de...

  • J'aime ton sourire
    Qui m'accueille si
    Gentiment ! Ainsi

    Le soleil salue
    L'humble fleur des champs
    Échappée aux gens.

    J'aime tes yeux d'ombre
    Et de clarté, beaux
    Comme des tombeaux

    D'enfants et de vierges
    Et j'aime les coins
    De ta bouche moins

    Aimables que drôles
    Pour si bien baiser
    Moi, pour l'...

  • La lune plaquait ses teintes de zinc
    Par angles obtus.
    Des bouts de fumée en forme de cinq
    Sortaient drus et noirs des hauts toits pointus.

    Le ciel était gris. La bise pleurait
    Ainsi qu'un basson.
    Au loin, un matou frileux et discret
    Miaulait d'étrange et grêle façon.

    Moi, j'allais, rêvant du divin Platon
    Et de Phidias,
    Et de...

  • Furieuse, les yeux caves et les seins roides,
    Sappho, que la langueur de son désir irrite,
    Comme une louve court le long des grèves froides,

    Elle songe à Phaon, oublieuse du Rite,
    Et, voyant à ce point ses larmes dédaignées,
    Arrache ses cheveux immenses par poignées ;

    Puis elle évoque, en des remords sans accalmies,
    Ces temps où rayonnait,...