• J'entreprends de conter l'année épouvantable,
    Et voilà que j'hésite, accoudé sur ma table.
    Faut-il aller plus loin ? dois-je continuer ?
    France ! ô deuil ! voir un astre aux cieux diminuer !
    Je sens l'ascension lugubre de la honte.
    Morne angoisse ! un fléau descend, un autre monte.
    N'importe. Poursuivons. L'histoire en a besoin.
    Ce siècle est à la barre et je...

  • L'océan resplendit sous sa vaste nuée.
    L'onde, de son combat sans fin exténuée,
    S'assoupit, et, laissant l'écueil se reposer,
    Fait de toute la rive un immense baiser.
    On dirait qu'en tous lieux, en même temps, la vie
    Dissout le mal, le deuil, l'hiver, la nuit, l'envie,
    Et que le mort couché dit au vivant debout :
    Aime ! et qu'une âme obscure, épanouie en tout...

  • Je sais bien qu'il est d'usage
    D'aller en tous lieux criant
    Que l'homme est d'autant plus sage
    Qu'il rêve plus de néant ;

    D'applaudir la grandeur noire,
    Les héros, le fer qui luit,
    Et la guerre, cette gloire
    Qu'on fait avec de la nuit ;

    D'admirer les coups d'épée,
    Et, la fortune, ce char
    Dont une roue est Pompée,
    Dont l'autre...

  • CHOEUR DE FEMMES

    L'ombre des bois d'Aser est toute parfumée.
    Quel est celui qui vient par le frais chemin vert ?
    Est-ce le bien-aimé qu'attend la bien-aimée ?
    Il est jeune, il est doux. Il monte du désert
    Comme de l'encensoir s'élève une fumée.
    Est-ce le bien-aimé qu'attend la bien-aimée ?

    UNE JEUNE FILLE

    J'aime. Ô vents, chassez l...

  • Hier, le vent du soir, dont le souffle caresse,
    Nous apportait l'odeur des fleurs qui s'ouvrent tard ;
    La nuit tombait ; l'oiseau dormait dans l'ombre épaisse.
    Le printemps embaumait, moins que votre jeunesse ;
    Les astres rayonnaient, moins que votre regard.

    Moi, je parlais tout bas. C'est l'heure solennelle
    Où l'âme aime à chanter son hymne le plus doux....

  • Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire !
    Voici le printemps ! mars, avril au doux sourire,
    Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis !
    Les peupliers, au bord des fleuves endormis,
    Se courbent mollement comme de grandes palmes ;
    L'oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ;
    Il semble que tout rit, et que les arbres verts
    Sont...

  • Aucune aile ici-bas n'est pour longtemps posée.
    Quand elle était petite, elle avait un oiseau ;
    Elle le nourrissait de pain et de rosée
    Et veillait sur son nid comme sur un berceau.
    Un soir il s'échappa. Que de plaintes amères !
    Dans mes bras en pleurant je la vis accourir,...
    Jeunes filles, laissez, laissez, ô jeunes mères,
    Les oiseaux s'envoler et...

  • (extrait)

    Enfants, beaux fronts naïfs penchés autour de moi,
    Bouches aux dents d'émail disant toujours : Pourquoi ?
    Vous qui, m'interrogeant sur plus d'un grand problème,
    Voulez de chaque chose, obscure pour moi-même,
    Connaître le vrai sens et le mot décisif,
    Et qui touchez à tout dans mon esprit pensif ;
    - Si bien que, vous partis, enfants,...

  • Grand bal sous le tamarin.
    On danse et l'on tambourine.
    Tout bas parlent, sans chagrin,
    Mathurin à Mathurine,
    Mathurine à Mathurin.

    C'est le soir, quel joyeux train !
    Chantons à pleine poitrine
    Au bal plutôt qu'au lutrin.
    Mathurin a Mathurine,
    Mathurine a Mathurin.

    Découpe comme au burin,
    L'arbre, au bord de l'eau marine,
    ...

  • Puisque nos heures sont remplies
    De trouble et de calamités ;
    Puisque les choses que tu lies
    Se détachent de tous côtés ;

    Puisque nos pères et nos mères
    Sont allés où nous irons tous,
    Puisque des enfants, têtes chères,
    Se sont endormis avant nous ;

    Puisque la terre où tu t'inclines
    Et que tu mouilles de tes pleurs,
    A déjà...