• Amour, lors que premier ma franchise fut morte,
    Combien j'avois perdu encor je ne sçavoy,
    Et ne m'advisoy pas, mal sage, que j'avoy
    Espousé pour jamais une prison si forte.

    Je pensoy me sauver de toy en quelque sorte,
    Au fort m'esloignant d'elle ; et maintenant je voy
    Que je ne gaigne rien à fuir devant toy,
    Car ton traict en fuyant avecques moy j'...

  • Or, dis je bien, mon esperance est morte.
    Or est ce faict de mon ayse et mon bien.
    Mon mal est clair : maintenant je veoy bien,
    J'ay espousé la douleur que je porte.

    Tout me court sus, rien ne me reconforte,
    Tout m'abandonne, et d'elle je n'ay rien,
    Sinon tousjours quelque nouveau soustien,
    Qui rend ma peine et ma douleur plus forte.

    Ce...

  • Destins qui savez l'avenir,
    Que pense Philis devenir,
    Puisque pour habit elle porte,
    Et les couleurs du déconfort,
    Et les parures de la mort,
    En une triste feuille morte ?

    Au monde veut-elle mourir,
    Ou me blesser sans me guérir ?
    Est-ce pourquoi ma Belle porte
    Un vêtement plein de langueur,
    Voulant rendre mon pauvre coeur
    ...

  • Qui que tu sois, Vivant, passe vite parmi
    L'herbe du tertre où gît ma cendre inconsolée ;
    Ne foule point les fleurs de l'humble mausolée
    D'où j'écoute ramper le lierre et la fourmi.

    Tu t'arrêtes ? Un chant de colombe a gémi.
    Non ! qu'elle ne soit pas sur ma tombe immolée !
    Si tu veux m'être cher, donne-lui la volée.
    La vie est si douce, ah ! laisse-la...

  • Cartagena de Indias.
    1532-1583-1697.

    Morne Ville, jadis reine des Océans !
    Aujourd'hui le requin poursuit en paix les scombres
    Et le nuage errant allonge seul des ombres
    Sur ta rade où roulaient les galions géants.

    Depuis Drake et l'assaut des Anglais mécréants,
    Tes murs désemparés croulent en noirs décombres
    Et, comme un glorieux...

  • Un ami vif vint à la dame morte,
    Et par prière il la cuida tenter
    De le vouloir aimer de même sorte,
    Puis la pressa juqu'à la tourmenter ;
    Mais mot ne dit, donc, pour se contenter,
    Il essaya de l'embrasser au corps.
    Contrainte fut la Dame dire alors :
    " Je vous requiers, ô Ami importun,
    Laissez les morts ensevelir les morts,
    Car morte suis pour tous...

  • La petite Marie est morte,
    Et son cercueil est si peu long
    Qu'il tient sous le bras qui l'emporte
    Comme un étui de violon.

    Sur le tapis et sur la table
    Traîne l'héritage enfantin.
    Les bras ballants, l'air lamentable,
    Tout affaissé, gît le pantin.

    Et si la poupée est plus ferme,
    C'est la faute de son bâton ;
    Dans son oeil une larme...

  • La ville est morte, morte, irréparablement !
    D'une lente anémie et d'un secret tourment,
    Est morte jour à jour de l'ennui d'être seule...
    Petite ville éteinte et de l'autre temps qui

    Conserve on ne sait quoi de vierge et d'alangui
    Et semble encor dormir tandis qu'on l'enlinceule ;
    Car voici qu'à présent, pour embaumer sa mort,
    Les canaux, pareils à des...

  • Dans quelque ville morte, au bord de l'eau, vivote
    La tristesse de la vieillesse des maisons
    A genoux dans l'eau froide et comme en oraisons ;
    Car les vieilles maisons ont l'allure dévote,

    Et, pour endurer mieux les chagrins qu'elles ont,
    Egrènent les pieux carillons qui leur sont
    Les grains de fer intermittents d'un grand rosaire.
    Vieilles maisons, en...

  • Vague, perdue au fond des sables monotones,
    La ville d'autrefois, sans tours et sans remparts,
    Dort le sommeil dernier des vieilles Babylones,
    Sous le suaire blanc de ses marbres épars.

    Jadis elle régnait ; sur ses murailles fortes
    La Victoire étendait ses deux ailes de fer.
    Tous les peuples d'Asie assiégeaient ses cent portes ;
    Et ses grands escaliers...