• Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
    Dont le doigt nous menace et nous dit : " Souviens-toi !
    Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi
    Se planteront bientôt comme dans une cible,

    Le plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
    Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;
    Chaque instant te dévore un morceau du délice
    A chaque homme...

  • Ils marchent devant moi, ces Yeux pleins de lumières,
    Qu'un Ange très savant a sans doute aimantés ;
    Ils marchent, ces divins frères qui sont mes frères,
    Secouant dans mes yeux leurs feux diamantés.

    Me sauvant de tout piège et de tout péché grave,
    Ils conduisent mes pas dans la route du Beau ;
    Ils sont mes serviteurs et je suis leur esclave ;
    Tout mon...

  • Il aimait à la voir, avec ses jupes blanches,
    Courir tout au travers du feuillage et des branches,
    Gauche et pleine de grâce, alors qu'elle cachait
    Sa jambe, si la robe aux buissons s'accrochait.

  • La pendule, sonnant minuit,
    Ironiquement nous engage
    A nous rappeler quel usage
    Nous fîmes du jour qui s'enfuit :
    - Aujourd'hui, date fatidique,
    Vendredi, treize, nous avons,
    Malgré tout ce que nous savons,
    Mené le train d'un hérétique ;

    Nous avons blasphémé Jésus,
    Des Dieux le plus incontestable !
    Comme un parasite à la table
    De...

  • A Constantin Guys

    I

    De ce terrible paysage,
    Tel que jamais mortel n'en vit,
    Ce matin encore l'image,
    Vague et lointaine, me ravit.

    Le sommeil est plein de miracles !
    Par un caprice singulier,
    J'avais banni de ces spectacles
    Le végétal irrégulier,

    Et, peintre fier de mon génie,
    Je savourais dans mon tableau...

  • Contemple-les, mon âme ; ils sont vraiment affreux !
    Pareils aux mannequins, vaguement ridicules ;
    Terribles, singuliers comme les somnambules,
    Dardant on ne sait où leurs globes ténébreux.

    Leurs yeux, d'où la divine étincelle est partie,
    Comme s'ils regardaient au loin, restent levés
    Au ciel ; on ne les voit jamais vers les pavés
    Pencher rêveusement...

  • Bizarre déité, brune comme les nuits,
    Au parfum mélangé de musc et de havane,
    Oeuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
    Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits,

    Je préfère au constance, à l'opium, au nuits,
    L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane ;
    Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
    Tes yeux sont la citerne où...

  • Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
    Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
    Qui d'une main distraite et légère caresse
    Avant de s'endormir le contour de ses seins,

    Sur le dos satiné des molles avalanches,
    Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
    Et promène ses yeux sur les visions blanches
    Qui montent dans l'azur comme des...

  • Le vin sait revêtir le plus sordide bouge
    D'un luxe miraculeux,
    Et fait surgir plus d'un portique fabuleux
    Dans l'or de sa vapeur rouge,
    Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.

    L'opium agrandit ce qui n'a pas de bornes,
    Allonge l'illimité,
    Approfondit le temps, creuse la volupté,
    Et de plaisirs noirs et mornes
    Remplit l'âme au delà...

  • J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans.

    Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
    De vers, de billets doux, de procès, de romances,
    Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,
    Cache moins de secrets que mon triste cerveau.
    C'est une pyramide, un immense caveau,
    Qui contient plus de morts que la fosse commune.
    - Je suis un cimetière...