• Au pays parfumé que le soleil caresse,
    J'ai connu, sous un dais d'arbres tout empourprés
    Et de palmiers d'où pleut sur les yeux la paresse,
    Une dame créole aux charmes ignorés.

    Son teint est pâle et chaud ; la brune enchanteresse
    A dans le cou des airs noblement maniérés ;
    Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
    Son sourire est tranquille et...

  • Ô muse de mon coeur, amante des palais,
    Auras-tu, quand Janvier lâchera ses Borées,
    Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées,
    Un tison pour chauffer tes deux pieds violets ?

    Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées
    Aux nocturnes rayons qui percent les volets ?
    Sentant ta bourse à sec autant que ton palais,
    Récolteras-tu l'or des voûtes azurées ?...

  • Viens sur mon coeur, âme cruelle et sourde,
    Tigre adoré, monstre aux airs indolents ;
    Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants
    Dans l'épaisseur de ta crinière lourde ;

    Dans tes jupons remplis de ton parfum
    Ensevelir ma tête endolorie,
    Et respirer, comme une fleur flétrie,
    Le doux relent de mon amour défunt.

    Je veux dormir ! dormir...

  • Sans cesse à mes côtés s'agite le Démon ;
    Il nage autour de moi comme un air impalpable ;
    Je l'avale et le sens qui brûle mon poumon
    Et l'emplit d'un désir éternel et coupable.

    Parfois il prend, sachant mon grand amour de l'Art,
    La forme de la plus séduisante des femmes,
    Et, sous de spécieux prétextes de cafard,
    Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes...

  • Pascal avait son gouffre, avec lui se mouvant.
    - Hélas ! tout est abîme, - action, désir, rêve,
    Parole ! et sur mon poil qui tout droit se relève
    Maintes fois de la Peur je sens passer le vent.

    En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève,
    Le silence, l'espace affreux et captivant...
    Sur le fond de mes nuits Dieu de son doigt savant
    Dessine un...

  • La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse,
    Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
    Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.
    Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
    Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
    Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,
    Certe, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,...

  • Voici le soir charmant, ami du criminel ;
    Il vient comme un complice, à pas de loup ; le ciel
    Se ferme lentement comme une grande alcôve,
    Et l'homme impatient se change en bête fauve.

    Ô soir, aimable soir, désiré par celui
    Dont les bras, sans mentir, peuvent dire : Aujourd'hui
    Nous avons travaillé ! - C'est le soir qui soulage
    Les esprits que dévore une...

  • Blanche fille aux cheveux roux,
    Dont la robe par ses trous
    Laisse voir la pauvreté
    Et la beauté,

    Pour moi, poète chétif,
    Ton jeune corps maladif,
    Plein de taches de rousseur,
    A sa douceur.

    Tu portes plus galamment
    Qu'une reine de roman
    Ses cothurnes de velours
    Tes sabots lourds.

    Au lieu d'un haillon trop court...

  • Que le soleil est beau quand tout frais il se lève,
    Comme une explosion nous lançant son bonjour !
    - Bienheureux celui-là qui peut avec amour
    Saluer son coucher plus glorieux qu'un rêve !

    Je me souviens ! J'ai vu tout, fleur, source, sillon,
    Se pâmer sous son oeil comme un coeur qui palpite...
    - Courons vers l'horizon, il est tard, courons vite,
    Pour...

  • Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
    Ce beau matin d'été si doux :
    Au détour d'un sentier une charogne infâme
    Sur un lit semé de cailloux,

    Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
    Brûlante et suant les poisons,
    Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
    Son ventre plein d'exhalaisons.

    Le soleil rayonnait sur cette pourriture,...