• Une nuit que j’étais près d’une affreuse Juive,
    Comme au long d’un cadavre un cadavre étendu,
    Je me pris à songer près de ce corps vendu
    À la triste beauté dont mon désir se prive.

    Je me représentai sa majesté native,
    Son regard de vigueur et de grâces armé,
    Ses cheveux qui lui font un casque parfumé,
    Et dont le souvenir pour l’amour me ravive.

    ...
  • Celui dont nous t’offrons l’image,
    Et dont l’art, subtil entre tous,
    Nous enseigne à rire de nous,
    Celui-là, lecteur, est un sage.

    C’est un satirique, un moqueur ;
    Mais l’énergie avec laquelle
    Il peint le Mal et sa séquelle
    Prouve la beauté de son cœur.

    Son rire n’est pas la grimace
    De Melmoth ou de Méphisto
    Sous la torche de l’...

  • Souvent à la clarté sombre des réverbères,
    Que le vent de la nuit tourmente dans leurs verres,
    Au fond de ces quartiers mornes et tortueux
    Où grouillent par milliers les ménages frileux, 4

    On voit un chiffonnier qui vient, hochant la tête,
    Buttant [sic] et se cognant aux murs comme un poète,
    Et, sans prendre souci des mouchards ténébreux,
    Épanchant...

  • C'est la Mort qui console, hélas ! et qui fait vivre ;
    C'est le but de la vie, et c'est le seul espoir
    Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre,
    Et nous donne le coeur de marcher jusqu'au soir ;

    A travers la tempête, et la neige, et le givre,
    C'est la clarté vibrante à notre horizon noir ;
    C'est l'auberge fameuse inscrite sur le livre,
    Où l'on...

  • Lecteur paisible et bucolique,
    Sobre et naïf homme de bien,
    Jette ce livre saturnien,
    Orgiaque et mélancolique.

    Si tu n'as fait ta rhétorique
    Chez Satan, le rusé doyen,
    Jette ! tu n'y comprendrais rien,
    Ou tu me croirais hystérique.

    Mais si, sans se laisser charmer,
    Ton oeil sait plonger dans les gouffres,
    Lis-moi, pour...

  • Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles :
    " Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
    Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
    Un chant plein de lumière et de fraternité !

    Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
    De peine, de sueur et de soleil cuisant
    Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme ;
    Mais je ne serai...

  • " D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
    Montant comme la mer sur le roc noir et nu ? "
    - Quand notre coeur a fait une fois sa vendange,
    Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu,

    Une douleur très simple et non mystérieuse,
    Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
    Cessez donc de chercher, ô belle curieuse !
    Et, bien que...

  • I

    Que m'importe que tu sois sage ?
    Sois belle ! et sois triste ! Les pleurs
    Ajoutent un charme au visage,
    Comme le fleuve au paysage ;
    L'orage rajeunit les fleurs.

    Je t'aime surtout quand la joie
    S'enfuit de ton front terrassé ;
    Quand ton coeur dans l'horreur se noie ;
    Quand sur ton présent se déploie
    Le nuage affreux du passé....

  • Il est amer et doux, pendant les nuits d'hiver,
    D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
    Les souvenirs lointains lentement s'élever
    Au bruit des carillons qui chantent dans la brume,

    Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
    Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
    Jette fidèlement son cri religieux,
    Ainsi qu'un vieux soldat qui...

  • Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche
    Est Large à faire envie à la plus belle blanche ;
    A l'artiste pensif ton corps est doux et cher ;
    Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.

    Aux pays chauds et bleus où ton Dieu t'a fait naître,
    Ta tâche est d'allumer la pipe de ton maître,
    De pourvoir les flacons d'eaux fraîches et d'...