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    I

    IL est un grand tombeau dont l’horreur me poursuit,
    Large, froid, et peuplé de silences funèbres :
    — C’est l’immense tombeau qu’ouvre sur nous la nuit
    Dans l’azur dilaté par l’effroi des ténèbres.

    Comme des jours furtifs où glisse la pâleur
    D’un ciel d’or très lointain, au travers d’un mur sombre,
    Les étoiles, filtrant leur clarté sans...

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    COMME deux lys jumeaux dont le double calice
    S’élargit, pour laisser saillir, plus vive encor,
    La flèche au triple feu des étamines d’or,
    S’arrondissent tes seins où grandit mon supplice.

    A leur ombre ton cœur mûrit la trahison,
    Comme un serpent blotti sous la hauteur des herbes,
    Et, de sucs meurtriers gonflant leurs fleurs superbes,
    Y...

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    QUE la route vous soit fleurie,
    Pleine de parfums et de chants,
    Vous qui sur les coteaux penchants
    Allez cueillir la Rêverie.

    Que la Nature vous sourie,
    Vous donnant l’oubli des méchants,
    Et puisse être la clef des champs
    Légère à votre main chérie.

    Moi je demeure et me souviens ;
    Car ils sont loin de moi les biens
    Dont le...

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    LE poète dort : l’oiseau chante.
    Mais, près du poète endormi,
    La voix de l’oiseau, plus touchante,
    Garde quelque chose d’ami.

    Le poète est mort : la fleur brille.
    Mais, près du poète, la fleur,
    Dans la goutte d’eau qui scintille
    Garde quelque chose d’un pleur.

    Le poète attend : l’aube veille,
    Qui, du ciel penchant les sommets,...

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    Quelque chose de moi, plus vivant que la vie,
    Plus vrai que le réel dont je croyais souffrir,
    Plus puissant que l’amour dont j’eus l’âme asservie,
    Quelque chose de moi qui ne saurait mourir,

    C’est la part de moi même à moi-même ravie,
    Eparse au sein de tout ce qui ne peut finir,
    Que l’oubli me dérobe et que la mort m’envie :
    — Celle que n’...

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    I

    La forme a des splendeurs où trébuche la foi :
    Quelle immortalité vaudra jamais la tienne,
    Matière que revêt la beauté souveraine,
    Nature à qui sourit une éternelle loi ?

    Tout est saint, tout est dieu, tout est vivant en toi !
    Quand notre âme se prend à ta grandeur sereine,
    L’immobile nous charme et vers lui nous entraîne ;
    Et nous...

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    À SILVAIN

    I

    LA Lyre est l’amie éternelle !
    L’Art montre l’éternel chemin !
    Tout bonheur durable est en Elle,
    En Lui gît tout l’honneur humain !
    Aux saintes cordes de la Lyre
    Vibre, après l’amoureux délire,
    Le réveil de notre fierté.
    A notre cœur même arrachées,
    Elles chantent, sitôt touchées,
    Un hymne d’...

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    DANS la tiède haleine des fleurs
    Le printemps passe par bouffées,
    Brodant l’aile aux mille couleurs
    Des libellules et des fées.

    Son vol accroche aux réseaux verts
    Des broussailles ébouriffées,
    Dépouille errante des hivers,
    De longs fils de soie, en trophées.

    L’air du soir sonne les abois
    Des belles filles décoiffées :
    — Dans...

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    O lampes des tombeaux, astres, feux symboliques
    Allumés dans la nuit sereine où nous mourons,
    Gazons qui fleurissez les humaines reliques,
    Vous n’êtes pas encor tout ce que nous serons !

    Grands bois debout dans l’ombre où naissent les mystères,
    Nuages qui passez, rapides, sur nos fronts,
    Sources aux regards lents et doucement austères,
    Vous n’...

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    JE sais une maison fleurie
    D’où mon cœur n’est pas revenu,
    Et qui m’est comme une patrie
    Où l’exil m’a fait inconnu.

    Comme une feuille au vent fanée,
    A son seuil de lierre jeté,
    En n’y restant qu’une journée
    J’y laissai mon éternité.

    Car mon rêve, au lierre fidèle
    Mêlant mon âme, a suspendu
    Au doux toit qui me parle d’elle...