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    Au bout du sombre Finistère,
    D’énormes rochers au pied noir
    Protègent contre l’eau la terre.
    On les entend parler le soir :

    « Hélas ! depuis combien d’années
    Brisons-nous l’onde au même lieu ?
    Toutes les pierres sont damnées,
    Les vivants seuls plaisent à Dieu.

    « Pour qui faisons-nous sentinelle ?
    Pour des favoris étrangers !...

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    Quand j’entends disputer les hommes
    Sur Dieu qu’ils ne pénètrent point,
    Je me demande où nous en sommes :
    Hélas ! toujours au même point.

    Oui, j’entends d’admirables phrases,
    Des sons par la bouche ennoblis ;
    Mais les mots...

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    Lorsque la terre entra dans sa vingtième année,
    Le premier des printemps couronna son repos,
    L’air céleste s’emplit d’odeurs de matinée,
    Et la mer, s’étalant, laissa crouler ses flots.

    Ce jour-là, dans ta grâce, Ève, tu nous es née....

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    Nous marchons : devant nous la poussière se lève,
    Elle reçoit nos pas et les ensevelit ;
    Mais l’espace nous suit sans rupture ni trêve :
    Il sait quel long voyage un seul homme accomplit.

    Tant de pieds ont déjà foulé la même place
    Que les grains du pavé ne les nombreraient pas.
    Si chaque homme après soi laissait partout sa trace,
    Quels bizarres...

  • Le vase où meurt cette verveine
    D’un coup d’éventail fut fêlé ;
    Le coup dut effleurer à peine :
    Aucun bruit ne l’a révélé.

    Mais la légère meurtrissure,
    Mordant le cristal chaque jour,
    D’une marche invisible et sûre
    En a fait...

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    J’ai voulu tout aimer, et je suis malheureux,
    Car j’ai de mes tourments multiplié les causes ;
    D’innombrables liens frêles et douloureux
    Dans l’univers entier vont de mon âme aux choses.

    Tout m’attire à la fois et d’un attrait pareil :...

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    Femmes, vous blasphémez l’amour, quand d’aventure
    Un seul rebelle insulte à votre royauté.
    Ah ! C’est un pire affront qu’en silence elle endure,
    La jeune fille à qui la marâtre nature
    A dénié sa gloire et son droit : la beauté !

    L’amour ne luit jamais dans l’œil qui la regarde ;
    Elle pourrait quitter sa mère sans périls.
    La laide ! On ne la...

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    Agite, bon cheval, ta crinière fuyante ;
    Que l’air autour de nous se remplisse de voix !
    Que j’entende craquer sous ta corne bruyante
    Le gravier des ruisseaux et les débris des bois ’.

    Aux vapeurs de tes flancs mêle ta chaude haleine,
    Aux éclairs de tes pieds ton écume et ton sang !
    Cours, comme on voit un aigle en effleurant la plaine
    ...

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    Ils tombent épuisés ; la bataille était rude.
    Près d’un fleuve, au hasard, sur le dos, sur le flanc,
    Ils gisent, engourdis par tant de lassitude
    Qu’ils sont bien, dans la boue et dans leur propre sang

    Leurs grandes faux sont là, luisantes d’un feu rouge,
    En plein midi. Le chef est un vieux paysan :
    Il veille. Or il croit voir un pli du sol qui bouge...

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    Quand le jeune cheval vient de quitter sa mère,
    Parce qu’il a senti l’horizon l’appeler,
    Qu’il entend sous ses pieds le beau son de la terre,
    Et qu’on voit au soleil ses crins étinceler,
    Dans le vent qui lui parle il agite la tête,
    Et son hennissement trahit sa puberté :

    C’est son premier beau jour, c’est la première fête
    De sa vigueur...