• N'est-ce pas triste que nos yeux se ferment ?
    On voudrait avoir les yeux toujours ouverts,
    pour avoir vu, avant le terme,
    tout ce que l'on perd.

    N'est-il pas terrible que nos dents brillent ?
    Il nous aurait fallu un charme plus discret
    pour vivre en famille
    en ce temps de paix.

    Mai s n'est-ce pas le pire que nos mains se cramponnent,...

  • Contrée ancienne, aux tours qui insistent
    tant que les carillons se souviennent -,
    aux regards qui, sans être tristes,
    tristement montrent leurs ombres anciennes.

    Vignes où tant de forces s'épuisent
    lorsqu'un soleil terrible les dore ...
    Et, au loin, ces espaces qui luisent
    comme des avenirs qu'on ignore.

  • Préfères-tu, rose, être l'ardente compagne
    de nos transports présents ?
    Est-ce le souvenir qui davantage te gagne
    lorsqu'un bonheur se reprend ?

    Tant de fois je t'ai vue, heureuse et sèche,
    - chaque pétale un linceul -
    dans un coffret odorant, à côté d'une mèche,
    ou dans un livre aimé qu'on relira seul.

  • N'es-tu pas notre géométrie,
    fenêtre, très simple forme
    qui sans effort circonscris
    notre vie énorme ?

    Celle qu'on aime n'est jamais plus belle
    que lorsqu'on la voit apparaître
    encadrée de toi ; c'est, ô fenêtre,
    que tu la rends presque éternelle.

    Tous les hasards sont abolis. L'être
    se tient au milieu de l'amour,
    avec ce...

  • Qu'il est doux parfois d'être de ton avis,
    frère aîné, ô mon corps,
    qu'il est doux d'être fort
    de ta force,
    de te sentir feuille, tige, écorce
    et tout ce que tu peux devenir encor,
    toi, si près de l'esprit.

    Toi, si franc, si uni
    dans ta joie manifeste
    d'être cet arbre de gestes
    qui, un instant, ralentit
    les allures célestes
    ...

  • Chemins qui ne mènent nulle part
    entre deux prés,
    que l'on dirait avec art
    de leur but détournés,

    chemins qui souvent n'ont
    devant eux rien d'autre en face
    que le pur espace
    et la saison.

  • Voici encor de l'heure qui s'argente,
    mêlé au doux soir, le pur métal
    et qui ajoute à la beauté lente
    les lents retours d'un calme musical.

    L'ancienne terre se reprend et change :
    un astre pur survit à nos travaux.
    Les bruits épars, quittant le jour, se rangent
    et rentrent tous dans la voix des eaux.

  • Sur le soupir de l'amie
    toute la nuit se soulève,
    une caresse brève
    parcourt le ciel ébloui.

    C'est comme si dans l'univers
    une force élémentaire
    redevenait la mère
    de tout amour qui se perd.

  • C'est pour t'avoir vue
    penchée à la fenêtre ultime,
    que j'ai compris, que j'ai bu
    tout mon abîme.

    En me montrant tes bras
    tendus vers la nuit,
    tu as fait que, depuis,
    ce qui en moi te quitta,
    me quitte, me fuit...

    Ton geste, fut-il la preuve
    d'un adieu si grand,
    qu'il me changea en vent,
    qu'il me versa dans le...

  • Elle passe des heures émues
    appuyée à sa fenêtre,
    tout au bord de son être,
    distraite et tendue.

    Comme les lévriers en
    se couchant leurs pattes disposent,
    son instinct de rêve surprend
    et règle ces belles choses

    que sont ses mains bien placées.
    C'est par là que le reste s'enrôle.
    Ni les bras, ni les seins, ni l'épaule,
    ni elle-...