• Une rose seule, c'est toutes les roses
    et celle-ci : l'irremplaçable,
    le parfait, le souple vocable
    encadré par le texte des choses.

    Comment jamais dire sans elle
    ce que furent nos espérances,
    et les tendres intermittences
    dans la partance continuelle.

  • Ce soir mon coeur fait chanter
    des anges qui se souviennent...
    Une voix, presque mienne,
    par trop de silence tentée,

    monte et se décide
    à ne plus revenir ;
    tendre et intrépide,
    à quoi va-t-elle s'unir ?

  • Si l'on chante un dieu,
    ce dieu vous rend son silence.
    Nul de nous ne s'avance
    que vers un dieu silencieux.

    Cet imperceptible échange
    qui nous fait frémir,
    devient l'héritage d'un ange
    sans nous appartenir.

  • Pays, arrêté à mi-chemin
    entre la terre et les cieux,
    aux voix d'eau et d'airain,
    doux et dur, jeune et vieux,

    comme une offrande levée
    vers d'accueillantes mains :
    beau pays achevé,
    chaud comme le pain !

  • De ton rêve trop plein,
    fleur en dedans nombreuse,
    mouillée comme une pleureuse,
    tu te penches sur le matin.

    Tes douces forces qui dorment,
    dans un désir incertain,
    développent ces tendres formes
    entre joues et seins.

  • Vues des Anges, les cimes des arbres peut-être
    sont des racines, buvant les cieux ;
    et dans le sol, les profondes racines d'un hêtre
    leur semblent des faîtes silencieux.

    Pour eux, la terre, n'est-elle point transparente
    en face d'un ciel, plein comme un corps ?
    Cette terre ardente, où se lamente
    auprès des sources l'oubli des morts.

  • Paume, doux lit froissé
    où des étoiles dormantes
    avaient laissé des plis
    en se levant vers le ciel.

    Est-ce que ce lit était tel
    qu'elles se trouvent reposées,
    claires et incandescentes,
    parmi les astres amis
    en leur élan éternel ?

    Ô les deux lits de mes mains,
    abandonnés et froids,
    légers d'un absent poids
    de ces...

  • Après une journée de vent,
    dans une paix infinie,
    le soir se réconcilie
    comme un docile amant.

    Tout devient calme, clarté...
    Mais à l'horizon s'étage,
    éclairé et doré,
    un beau bas-relief de nuages.

  • Comme un verre de Venise
    sait en naissant ce gris
    et la clarté indécise
    dont il sera épris,

    ainsi tes tendres mains
    avaient rêvé d'avance
    d'être la lente balance
    de nos moments trop pleins.

  • Ce ne sont pas des souvenirs
    qui, en moi, t'entretiennent ;
    tu n'es pas non plus mienne
    par la force d'un beau désir.

    Ce qui te rend présente,
    c'est le détour ardent
    qu'une tendresse lente
    décrit dans mon propre sang.

    Je suis sans besoin
    de te voir apparaître ;
    il m'a suffi de naître
    pour te perdre un peu moins.