•  

    Je crois que Mantegna vous a faite en peinture
    Droite dans le gazon rare et les arbres fins,
    Au bord d’une mer bleue, où, civils, des dauphins
    Escortent des vaisseaux à la basse mâture.

    Vous menez, garrottés d’une rouge ceinture,
    Des amours ; sans souci de leurs pleurs vrais ou feints
    Vous rêvez des projets dont nul ne sait les fins,
    Laissant...

  •  

    Pour le surnaturel éclat des cheveux blonds,
    Pour la neige du cou, l’aurore de la bouche,
    Je rêve une peinture où, frêle, chaque touche
    Soit un sourire, prix d’efforts fervents et longs.

    Le fond, ciel de septembre où le soleil se couche,
    Serait de saphirs bleus, de rubis vermillons.
    Ma palette serait l’aile des papillons
    Et mes pinceaux des...

  •  

    Alors que finissait la journée estivale,
    Nous marchions, toi pendue à mon bras, moi rêvant
    À ces mondes lointains dont je parle souvent.
    Aussi regardais-tu chaque étoile en rivale.

    Au retour, à l’endroit où la côte dévale,
    Tes genoux ont fléchi sous le charme énervant
    De la soirée et des senteurs qu’avait le vent.
    Vénus, dans l’ouest doré, se...

  •  

    Dans notre vie âcre et fiévreuse
    Ta splendeur étrange apparaît,
    Phare altier sur la côte affreuse ;
    Et te voir est joie et regret.

    Car notre âme que l’ennui creuse
    Cède enivrée à ton attrait,
    Et te voudrait la reine heureuse
    D’un monde qui t’adorerait.

    Mais tes yeux disent, Sidonie,
    Dans leur lumineuse ironie
    Leur...

  •  

    J’ai voulu des jardins pleins de roses fleuries,
    J’ai rêvé de l’Éden aux vivantes féeries,
    De lacs bleus, d’horizons aux tons de pierreries ;
    Mais je ne veux plus rien ; il suffit que tu ries.

    Car, roses et muguets, tes lèvres et tes dents
    Plus que l’Éden, sont but de désirs imprudents,
    Et tes yeux sont des lacs de saphirs, et dedans
    S’...

  •  

    Dans ces cycles, si grands que l’âme s’en effraie,
    L’impulsion première en mouvements voulus
    S’exerce. Mais plus loin la Loi ne règne plus :
    La nébuleuse est, comme au hasard, déchirée.

    Le monde contingent où notre âme se fraie
    Péniblement la route au pays des élus,
    Comme au-delà du ciel ces tourbillons velus
    S’agite discordant dans la valse...

  •  

    Le rythme argentin de ta voix
    Dans mes rêves gazouille et tinte,
    Chant d’oiseau, bruit de source au bois,
    Qui réveillent ma joie éteinte.

    Mais les bois n’ont pas de frissons,
    Ni les harpes éoliennes,
    Qui soient si doux que tes chansons,
    Que tes chansons tyroliennes.

                                *

    Parfois le vent m’apporte encor...

  •  

    Au comte de Chousy.

    Dans tes cheveux, flot brun qui submerge le peigne
    Sur tes seins frissonnants, ombrés d’ambre, que baigne
    L’odeur des varechs morts dans les galets le soir,
    Je veux laisser tomber par gouttes les essences
    Vertigineuses et, plis froids, les patiences
    Orientales, en fleurs d’or sur tulle noir.

    Éventrant les...

  •  

    Toutes les fois, miroir, que tu lui serviras
    À se mettre du noir aux yeux ou sur sa joue
    La poudre parfumée, ou bien dans une moue
    Charmante, son carmin aux lèvres, tu diras :

    « Je dormais reflétant les vers, que sur l’ivoire
    Il écrivit... Pourquoi de vos yeux de velours,
    De votre chair, de vos lèvres, par ces atours,
    Rendre plus éclatante...

  •  

    Voici : la fin de la demi-journée approche ;
    Et l’on travaille bien en attendant la cloche.
    Onze heures. On déserte en foule l’atelier.
    L’ouvrier va manger, et peut-être lier
    Connaissance avec cette enfant, frêle ouvrière,
    Chez le traiteur fumeux où l’on sert l’ordinaire.
    Mais l’apprenti n’a pas de ces luxes. Avec
    Une saucisse plate et deux...