• Si la mort n’est pas l’ouverture
    Du néant vaste où rien ne luit ;
    S’il faut attendre dans sa nuit
    On ne sait quelle aube future ;

    Si l’espoir du repos nous ment ;
    Si le tourment de la pensée
    A la chair inerte & glacée
    Survit impérissablement ;

    Si la loi de Dieu tyrannique
    Sur l’angoisse, triste oreiller !
    Force les âmes de...

  • Le chemin où je marche est un chemin étroit :
    Les foules ne sont pas ce que l’on y redoute,
    Mais les cèdres puissants lui forment une voûte,
    Un soleil radieux y luit en maint endroit.

    Étant né très-naïf, avec le cœur très-droit,
    Je n’ai jamais trouvé sous mes pas d’autre route ;
    Car, moi, je ne sais rien des tristesses du doute,
    Et l’homme que je suis...

  • Mon vieux compatriote, on t’oublie. On déterre,
    Chaque jour, dans le fond de quelque monastère,
    Un rimeur enfoui sous l’herbe & les plâtras ;
    On ressoude ses vers mutilés par les rats,
    On leur remet des pieds ; on les commente, on glose ;
    Un savant les encadre au milieu de sa prose ;
    Puis, un matin, Jehan Tournebrousche renaît !
    On en parle, on le...

  • Pourquoi revenez-vous creuser mon souvenir,
    O jours trop tôt perdus, ô trop chères pensées,
    Images que le temps doit avoir effacées,
    Mots que mon cœur jalouse & ne peut contenir,
    Pourquoi revenez-vous creuser mon souvenir ?

    J’avais promis l’oubli qui console & qui tue,
    L’oubli muet & calme, aux flots profonds & lourds.
    Les heures ont...

  • Cosette ! le printemps nous appelle. Fuyons
    La chambre longtemps close & les murailles sombres,
    Allons dans la campagne où, dissipant les ombres,
    Tombe la pluie ardente & folle des rayons.

    Tristesses de l’hiver, allez-vous-en ! Rions
    Puisque avril nous revient, & que dans les décombres
    Fleurit la giroflée, & que toutes pénombres
    S’...

  • Rien n’est plus ennuyeux que ces villes banales
    Débitant le soleil à faux poids, ou des eaux
    Qui doivent aciérer nos muscles & nos os,
    Pays d’albums usés, stations hivernales.

    Des princes vagabonds illustrent leurs annales ;
    Les hôteliers hargneux combinent des réseaux,
    Et l’on voit fuir au loin la joie & les oiseaux
    Devant de laids bourgeois...

  • O pasteurs ! Hespérus à l’Occident s’allume ;
    II faut tenter la cime & les feux de la brume !
    Un bois plutonien couronne ce rocher,
    Et je veux, aux lueurs des astres, y marcher !
    Ma pensée habita les chênes de Dodone ;
    La lourde clef du Rêve à ma ceinture sonne,
    Et, détournant les yeux de ces âges mauvais,
    Je suis un familier du Silence — & je...

  • Maître Watteau, dans l’art d’agrémenter un rêve,
    Je suis votre confrère & non pas votre élève.
    Vraiment, si j’empruntais la règle de mon goût,
    Je la devrais aux Grecs, à leurs marbres surtout.
    Inhabile à tirer profit des biens d’un autre,
    Je vis de mon caprice, & ce genre est le vôtre.
    Mais, comme vous & moi nous fardons la beauté,
    Il règne...