Théophile de Viau

  • Ode

    Ôte-toi, laisse-moi rêver.
    Je sens un feu se soulever
    Dont mon âme est toute embrasée.
    Ô beaux prés, beaux rivages verts,
    Ô grands flambeaux de l'univers,
    Que je trouve ma veine aisée !
    Belle Aurore, douce rosée,
    Que vous m'allez donner de...

  • Ode

    Je n'ai repos ni nuit ni jour,
    Je brûle, et je me meurs d'amour,
    Tout me nuit, personne ne m'aide,
    Le mal m'ôte le jugement,
    Et plus je cherche de remède,
    Moins je trouve d'allégement.

    Je suis désespéré, j'enrage,
    Qui me veut consoler...

  • Élégie

    Cruelle, à quel propos prolonges-tu ma peine ?
    Qui t'a sollicitée à renouer ma chaîne,
    Quel démon ennemi de mes contentements
    Me vient remettre encore en tes enchantements ?
    Mon mal allait finir, et déjà ma pensée
    Ne gardait plus de toi qu'une...

  • Les Amours plus mignards à nos rames se lient.
    Les Tritons à l'envi nous viennent caresser,
    Les vents sont modérés, les vagues s'humilient
    Par tous les lieux de l'onde où nous voulons passer.

    Avec notre dessein va le cours des étoiles,
    L'orage ne fait point...

  • Stances

    La frayeur de la mort ébranle le plus ferme :
    Il est bien malaisé,
    Que dans le désespoir, et proche de son terme
    L'esprit soit apaisé.

    L'âme la plus robuste, et la mieux préparée
    Aux accidents du sort,
    Voyant auprès de soi sa fin toute...

  • Au milieu de Paris je me suis fait ermite,
    Dedans un seul objet mon esprit se limite,
    Quelque part où mes yeux me pensent divertir
    Je traîne une prison d'où je ne puis sortir,
    J'ai le feu dans les os et l'âme déchirée
    De cette flèche d'or que vous m'avez tirée.
    ...

  • Stances

    S'il est vrai, Cloris, que tu m'aimes,
    Mais j'entends que tu m'aimes bien,
    Je ne crois point que les Rois mêmes
    Aient un heur comme le mien :
    Que la mort serait importune
    De venir changer ma fortune
    À la félicité des Dieux !
    Tout ce qu'...

  • Ode

    Dans ce val solitaire et sombre
    Le cerf qui brame au bruit de l'eau,
    Penchant ses yeux dans un ruisseau,
    S'amuse à regarder son ombre.

    De cette source une Naïade
    Tous les soirs ouvre le portail
    De sa demeure de cristal
    Et nous chante...

  • Sonnet

    Les Parques ont le teint plus gai que mon visage,
    Je crois que les damnés sont plus heureux que moi :
    Aussi le vieux tyran qui leur donne la loi
    Des peines que je sens n'a jamais eu l'usage.

    Les jours les plus sereins pour moi sont pleins d'orage,...

  • Sacrés murs du Soleil où j'adorai Philis,
    Doux séjour où mon âme était jadis charmée,
    Qui n'est plus aujourd'hui sous nos toits démolis,
    Que le sanglant butin d'une orgueilleuse armée,

    Ornements de l'autel qui n'êtes que fumée,
    Grand temple ruiné, mystères...