Charles Péguy

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    BERGÈRE qui gardiez les moutons à Nanterre
    Et guettiez au printemps la première hirondelle,
    Vous seule vous savez combien elle est fidèle,
    La ville vagabonde et pourtant sédentaire.

    Vous qui la connaissez dans ses embrassements
    Et dans sa turpitude et dans...

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    Étoile de la mer, voici la lourde nef
    Où nous ramons tout nuds sous vos commandements ;
    Voici notre détresse et nos désarmements ;
    Voici le quai du Louvre, et l’écluse, et le bief.
     
    Voici notre appareil et voici notre chef.
    C’est un gars de chez nous...

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    Étoile de la mer voici la lourde nappe
    Et la profonde houle et l’océan des blés
    Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
    Voici votre regard sur cette immense chape
     
    Et voici votre voix sur cette lourde plaine
    Et nos amis absents et nos cœurs...

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    Double vaisseau de ligne au long des colonnades,
    Autrefois bâtiment au centuple sabord,
    Aujourd'hui lourde usine, énorme coffre-fort
    Fermé sur le secret des sourdes canonnades.

    Nos pères t'ont dansé de chaudes sérénades,
    Ils t'ont fleuri du sang de la plus...

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    Double vaisseau de charge aux deux rives de Seine,
    Vaisseau de pourpre et d’or, de myrrhe et de cinname,
    Vaisseau de blé, de seigle, et de justesse d’âme,
    D’humilité, d’orgueil, et de simple verveine ;

    Nos pères t'ont comblé d’une si longue peine,
    Depuis...

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    Depuis le Point-du-Jour jusqu’aux cèdres bibliques
    Double galère assise au long du grand bazar,
    Et du grand ministère, et du morne alcazar,
    Parmi les deuils privés et les vertus publiques ;

    Sous les quatre-vingts rois et les trois Républiques,
    Et sous...

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    Ô reine voici donc après la longue route,
    Avant de repartir par ce même chemin,
    Le seul asile ouvert au creux de votre main,
    Et le jardin secret où l’âme s’ouvre toute.

    Voici le lourd pilier et la montante voûte ;
    Et l’oubli pour hier, et l’oubli pour...