Une femme seule |
François Coppée |
1885 |
French |
Dans le salon bourgeois où je l’ai rencontrée,
Ses yeux doux et craintifs, son front d’ange proscrit,
M’attirèrent d’abord vers elle, et l’on m’apprit
Que d’un mari brutal elle était séparée.
Elle venait encor chez ces anciens amis,
Dont la maison avait vu grandir... |
Une feuille morte tombe |
Francis Jammes |
1888 |
French |
Une feuille morte tombe, puis une autre, des platanes
dont la cime au soleil semble de corne pâle,
et j’entends des cailloux froids que les hommes cassent.
Je ne sais où les fleurs du jardin sont allées.
Sous le frisson brillant de la nuit des rosées,
les derniers... |
Une fleur |
Alphonse de Lamartine |
1810 |
French |
Cette fleur est pour moi la date d'une année
Que le fleuve du temps a noyée en son cours ;
Vingt fois la même fleur s'est rouverte et fanée
Depuis... Mais celle-là me fait rêver toujours.
C'était un de ces jours que jamais on n'oublie, ... |
Une fleur passagère, une vaine peintur |
Jean Ogier de Gombauld |
1627 |
French |
Une fleur passagère, une vaine peinture, Faisaient de mes beaux jours les plus douces clartés, Et dans un labyrinthe, errant de tous côtés, Je faisais de mon sort la douteuse aventure.
Sans aucun soin du temps, ni de la sépulture, La fureur m'emportait parmi... |
Une flûte au son pur... |
Charles Guérin |
1890 |
French |
Une flûte au son pur, je ne sais où, soupire. C'est dimanche. La ville est paisible, il fait bleu ; Et l'âme à qui l'azur semble toujours suffire Bénit le soir tombant et la bonté de Dieu.
Pourtant cet air qui pleure au fond du crépuscule, Là-bas, chez des... |
Une goutte de pluie... |
Francis Jammes |
1888 |
French |
Une goutte de pluie frappe une feuille sèche,
lentement, longuement, et c’est toujours la même
goutte, et au même endroit, qui frappe et s’y entête…
Une larme de toi frappe mon pauvre cœur,
lentement, longuement, et la même douleur
résonne, au même endroit,... |
Une grande dame |
Paul Verlaine |
1902 |
French |
Belle « à damner les saints », à troubler sous l’aumusse
Un vieux juge ! Elle marche impérialement.
Elle parle — et ses dents font un miroitement —
Italien, avec un léger accent russe.
Ses yeux froids où l’émail sertit le bleu de Prusse
Ont l’éclat insolent... |
Une grande douleur |
Joséphin Soulary |
1835 |
French |
Comme il vient de porter sa pauvre femme en terre,
Et qu’on est d’humeur noire un jour d’enterrement,
Il entre au cabaret ; car la tristesse altère,
Et les morts sont bien morts ! — c’est là son sentiment.
Il se prouve en buvant que la vie est sévère ;
Et, vu que... |
Une gravure fantastique |
Charles Baudelaire |
1844 |
French |
Ce spectre singulier n'a pour toute toilette, Grotesquement campé sur son front de squelette, Qu'un diadème affreux sentant le carnaval. Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval, Fantôme comme lui, rosse apocalyptique Qui bave des naseaux comme un épileptique.... |
Une Heure de septembre |
Émile Verhaeren |
1933 |
French |
Comme enfermés et secoués
En un sac invisible,
Une ronde de moucherons
Tourne dans le soleil.
L’après-midi finit : l’air est vermeil.
Ainsi que de longues glissoires d’or,
Des bandes de clarté obliques
Passent entre... |
Une Heure de soir |
Émile Verhaeren |
1875 |
French |
Mon cœur? — Il est tombé dans le puits de la mort.
Et sur le bord de la margelle
Sur le bord de la vie et de la margelle
J’entends mon cœur lutter, dans le puits de la mort.
— Le silence est effrayant —
Comme un morceau de gel
La lune... |
Une heure sonne au loin ... |
Albert Samain |
1879 |
French |
Une heure sonne au loin. - Je ne sais où je vais. Oh ! J?ai le coeur si plein de toi, si tu savais ! Je te vois, je t?entends. Devant moi solitaire Une apparition blanche frôle la terre, Comme une fée au fond des clairières, le soir. Et cette ombre d?amour si radieuse à... |
Une île |
Pamphile Le May |
1857 |
French |
Athlète valeureux qui remporte la palme,
Le navire s’arrête au fond d’une anse calme,
Que le rivage ceint, comme un bras arrondi
Ceint l’urne de cristal. Du chêne reverdi
Se reflète dans l’ombre une tremblante image.
Mille petits oiseaux, au chatoyant... |
Une larme |
Sully Prudhomme |
1872 |
French |
En tes yeux nage une factice opale,
Et le charbon t’allonge les sourcils,
Mais ton regard sans douceur n’est que pâle
Sous tes gros cils de sépia noircis.
Ah ! Pauvre femme, il règne un froid de pierre
Dans la langueur menteuse de ce fard ;
Quand tu... |
Une larme de Dante |
André Lemoyne |
1842 |
French |
À Laurent Pichat.
Non loin de Notre-Dame, un soir du moyen âge,
Deux voyageurs, vêtus d’un costume étranger.
Demandaient, pour la nuit, qu’on les pût héberger ; —
L’un jeune, l’autre vieux, — las d’un rude voyage.
L’hôtelier hur jeta son méfiant... |
Une légende |
William Chapman |
1904 |
French |
Un soir de l’an dernier, à la fin de septembre,
Au temps où sur les prés flotte l’odeur de l’ambre,
Où les blés blondissants ondulent mollement
Comme des flots d’or pleins d’un doux bruissement,
Je passais, par hasard, dans un petit village
Qui s’élève... |
Une lettre de femme |
Marceline Desbordes-Valmore |
1823 |
French |
Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire ; J'écris pourtant, Afin que dans mon coeur au loin tu puisses lire Comme en partant.
Je ne tracerai rien qui ne soit dans toi-même Beaucoup plus beau : Mais le mot cent fois dit, venant de ce qu'on aime, ... |
Une louve je vis sous l'antre d'un rocher |
Joachim du Bellay |
1541 |
French |
Une louve je vis sous l'antre d'un rocher Allaitant deux bessons : je vis à sa mamelle Mignardement jouer cette couple jumelle, Et d'un col allongé la louve les lécher.
Je la vis hors de là sa pâture chercher, Et courant par les champs, d'une fureur nouvelle ... |
Une marée nocturne |
Odilon-Jean Périer |
1915 |
French |
Ma chambre garde au coeur une vertu glacée ; ce soir d'hiver je suis son plus rude ennemi. Mais je puise une faim de victoire et de cris dans le silence même où elle est enfoncée.
Sans peur, sans joie, avec une voix mesurée, mûrie et nourrissante à la façon des... |
Une martyre |
Charles Baudelaire |
1844 |
French |
DESSIN D'UN MAITRE INCONNU
Au milieu des flacons, des étoffes lamées Et des meubles voluptueux, Des marbres, des tableaux, des robes parfumées Qui traînent à plis somptueux,
Dans une chambre tiède où, comme en une serre, L'air est dangereux et fatal,... |