Vers écrits à Balbek

 
Mystérieux déserts, dont les larges collines
Sont les os des cités dont le nom a péri ;
Vastes blocs qu’a roulés le torrent des ruines ;
Immense lit d’un peuple où la vague a tari ;
Temples qui, pour porter vos fondements de marbre,
Avez déraciné les grands monts comme un arbre ;
Gouffres où rouleraient des fleuves tout entiers ;
Colonnes où mon œil cherche en vain des sentiers ;
De piliers et d’arceaux profondes avenues,
Où la lune s’égare ainsi qu’au sein des nues ;
Chapiteaux que mon œil mêle en les regardant ;
Sur l’écorce du globe immenses caractères,
pour vous toucher du doigt, pour sonder vos mystères,
           Un homme est venu d’occident !

La route, sur les flots, que sa nef a suivie
A déplié cent fois ses roulants horizons ;
Aux gouffres de l’abîme il a jeté sa vie ;
Ses pieds se sont usés sur les pointes des monts ;
Les soleils ont brûlé la toile de sa tente ;
Ses frères, ses amis ont séché dans l’attente ;
Et s’il revient jamais, son chien même incertain
Ne reconnaîtra plus ni sa voix ni sa main :
Il a laissé tomber et perdu dans la route
L’étoile de son œil, l’enfant qui, sous sa voûte,
Répandait la lumière et l’immortalité :
Il mourra sans mémoire et sans postérité !
Et maintenant, assis sur la vaste ruine,
Il n’entend que le vent qui rend un son moqueur ;
Un poids courbe son front, écrase sa poitrine :
           Plus de pensée et plus de cœur !
........................................................................

[Le reste est trop intime.]

Collection: 
1810

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